Remous à l’UDB autour de l’alliance avec les écologistes aux régionales
L’Union démocratique bretonne tient son 35e congrès, samedi 22 septembre, à Saint-Brieuc, après avoir obtenu 4 sièges au conseil régional de Bretagne en alliance avec les écologistes d’EELV. Une alliance et une campagne qui semblent avoir laissé des traces chez les autonomistes de gauche, en témoigne un document interne du trésorier qui est arrivé au Penn-Bazh…
En Bretagne comme ailleurs, la vie des partis politiques n’est jamais de tout repos, entre stratégies électorales, rédaction de programmes ou petites bisbilles entre camarades. Il est ainsi de l’UDB qui tient son congrès à Saint-Brieuc, le samedi 22 septembre, une réunion qui devrait être marquée par le coup de gueule du trésorier et d’une partie des militants, circonspects sur l’alliance avec les écologistes d’EELV et sur la dernière campagne. Dans un document interne qui nous est parvenu, les militants d’EELV sont ainsi taxés de « clique écolo-boboïde métropolitaine. »
« Ramollis du bulbe »
C’est surtout le choix de plusieurs dirigeants, aujourd’hui élus au conseil régional qui est ici critiqué. On ne résiste pas à retranscrire cette analyse sur la campagne de 2021 de l’UDB qui partait en alliance avec EELV, mais également Ensemble pour nos territoires (2 élus) et quelques formations de gauche. « Pendant ce temps là, les candidats de l’UDB auront choisi de soutenir les radicaux d’EELV, en fait une équipe de campagne phagocytée par des bras cassés et des ramollis du bulbe qui n’obtiendront qu’entre pas grand-chose et rien de leur géniaaaales propositions qu’ils auront passé des semaines à rédiger alors qu’ils auraient mieux fait de concevoir et mettre en musique une campagne de terrain dynamique digne de ce nom »…
Une jolie saillie qui semble directement viser la tête de liste EELV en Bretagne, Claire Desmares-Poirrier, dont le Penn-Bazh avait révélé les turpitudes de son trésorier, Alain Dubois, et de son conseiller politique, Nathanaël Legeard :
Ecarter Oui la Bretagne
La campagne des régionales 2021 aura donc laissé des traces. Ce que reproche avant tout ce document serait la décision du bureau politique d’avoir privilégié une alliance avec EELV, au détriment de celle de 2015 avec le mouvement Oui la Bretagne, sans avoir laissé de réels choix aux militants. Et de produire un certain nombre de courriers internes en ce sens, accusant même certaines des dirigeants rennais de l’UDB d’avoir sabordé toute négociation avec ce mouvement Oui la Bretagne sur ordre des dirigeants écologistes. Il cite une conversation du 7 février 2020, à Brest, entre deux cadres d’Europe Ecologie-Les Verts, David Cormand et Nathanaël Legeard : « Le premier demande au second : « Alors où en êtes vous avec Oui la Bretagne ? », réponse du second : « pas d’inquiétude, on est en train de régler le problème, ce sera terminé dans les semaines qui viennent ». On peut alors légitimement se poser la question : comment EELV a-t-elle pu intervenir au cœur d’une organisation extérieure à son périmètre ? »
Aux régionales 2015, l’UDB était en coalition avec Oui la Bretagne, une liste autonome rassemblant des personnalités comme Daniel Cueff, Christian Troadec ou le futur député Paul Molac. Oui la Bretagne avait obtenu la 4e place, avec 6,71 % des voix, devançant de quelques centaines de voix la liste EELV de René Louail, cinquième. Une petite humiliation pour les écologistes, pourtant habitués à la chose en matière de régionales bretonnes…
Fondé en 1964
A ce stade, un petit retour historique s’impose. L’Union démocratique bretonne est la plus ancienne et la mieux structurée des mouvements politiques « régionalistes » bretons. L’UDB a été fondée en 1964, en se démarquant du nationalisme breton traditionnel, par un ancrage à gauche. Dans les années 1970, le parti se développe et dépassera les mille adhérents. Il obtient des élus grâce à sa stratégie d’union de la gauche, particulièrement avec le PCF, puis avec le PS. Dès ces années, l’UDB s’investit d’ailleurs dans les luttes environnementales qui se développent en Bretagne. Autonomiste, favorable à une plus grande décentralisation, pro-européen, le parti connaît un coup de mou dans les années 1980 et 1990. Aux régionales de 2004, l’UDB part en coalition avec les Verts, la liste fusionne avec celle du socialiste Jean-Yves Le Drian. Pour l’UDB, c’est alors la consécration : pour la première fois, il obtient des sièges au conseil régional de Bretagne et même une vice-présidence.
Humiliations écologistes…
En 2010, l’UDB repart en coalition avec les écologistes menés par l’ancien ministre vert, Guy Hascouët. Or, Jean-Yves, qui cultive un vieux contentieux avec Hascouët, n’apprécie pas que des formations avec lesquelles il a géré la Région pendant six, partent de manière autonome au premier tour. La liste écolo-UDB obtient 14 % et ses dirigeants négocient avec le PS pour une liste unique dès la fin du premier tour et jusqu’au mardi suivant. Ce qu’ils ignorent, c’est que, pour des raisons pratiques, les imprimeurs doivent commencer à fabriquer les bulletins de vote dès le lendemain du premier tour. Les socialistes appellent les imprimeurs le lundi matin et lancent l’impression des bulletins de leur liste, alors que les écologistes continuent de croire à un accord qui n’aura pas lieu…
En 2015, l’UDB choisit cette fois l’alliance avec Oui la Bretagne, rassemblement quelque peu hétéroclite, mais comportant des personnalités élues et médiatiques. La liste ne dépasse pas les 10 %, mais devance les écologistes, totalement marginalisés. A noter que plusieurs poids lourds de l’UDB, comme Herri Gourmelen ou Mona Bras avaient quitté le parti, en désaccord avec cette union avec Oui la Bretagne, pour intégrer directement la liste de Jean-Yves Le Drian et être élus en 2015.
On comprend donc que les dirigeants nationaux et régionaux d’EELV aient eu quelque intérêt à ne pas voir une liste Oui la Bretagne se présenter en 2021. L’UDB rejoint très vite la liste de Claire Desmares-Poirrier. Cette dernière obtient 14 % des voix au premier tour et tente de négocier une fusion avec la liste du président sortant, Loïg Chesnais-Girard. Ce que ce dernier déclinera, préférant un accord avec Daniel Cueff, ancien de Oui la Bretagne, qui avait monté une liste autonome et obtenu 6,52 % des voix. Avant le premier tour, Loïg Chensais-Girard avait intégré dans sa liste deux poids lourds de Oui la Bretagne, le député Paul Molac et le maire de Carhaix, Christian Troadec. Au final, les écologistes ont 5 élus au conseil régional et l’UDB 4, ce qui lui a permis de former un groupe avec Ensemble pour nos territoires. L’UDB se retrouve donc dans l’opposition, face à un groupe régionaliste dans la majorité qui comporte des personnalités médiatiques de poids…
« Supplétifs d’EELV »
Autant dire que le bilan de ces régionales est donc mitigé, ce que dénonce ce document interne de l’UDB qui n’y va pas dans la nuance, accusant les membres rennais du bureau politique de l’UDB d’avoir fait de la rétention d’informations et d’avoir « vendus » les militants de l’UDB « comme supplétifs d’EELV ». Selon ce texte, « au sein de l’UDB, la ligne ultra verte n’est pas réellement plébiscitée par les militants, notamment parmi les plus fidèles. Alors beaucoup se mettent en retrait, ne viennent plus aux réunions, encore moins aux congrès. » Et de dénoncer une alliance selon lui stérile, estimant que dans 20 ans « EELV divaguera toujours dans la lande pour emmerder l’UDB, la diviser, la concurrencer et/ou la contrôler. »
Ce 35e congrès de l’UDB devrait donc être riche de quelques péripéties, le trésorier du mouvement, Gwenaël Henri, décidant de restituer son mandat et de se mettre en retrait… Certes, en plus de 50 ans, la formation autonomiste en a vue d’autres et a connu son lot de scission, mais les débats internes de cet automne devrait éclairer sous un jour singulier la vie politique bretonne et les éventuelles évolutions d’alliance à l’intérieur du conseil régional…
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