En Bretagne, les Verts ne lavent pas plus blanc

Un trésorier condamné pour des libertés avec la comptabilité de la Fédération nationale de tennis de table et un conseiller politique sanctionné aussi pour des questions financières lors des dernières municipales… Du côté des écologistes bretons, la campagne des régionales s’annonce mouvementée, sur fond de tensions et de contestation de la tête de liste, Claire Desmares-Poirrier.

« C’est une catastrophe, soupire un candidat aux régionales sur la liste écologiste et régionaliste. Vivement le mois de juillet pour passer à autre chose. » Et comme beaucoup, il n’hésite pas à s’épancher sur une campagne des régionales loin d’être sereine, avec une tête de liste, Claire Desmares-Poirrier, qui semble surtout virer à la tête de Turc en interne… Ambiance, ambiance…

Des ambitions affichées et des critiques

L’écologie et la défense de l’environnement ont pourtant le vent en poupe, et toutes les formations politiques tentent de « verdir » leur programme, ce qui peut énerver du côté d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) dont la légitimité historique sur la question ne peut faire débat. Reste à savoir si les électeurs préféreront l’original aux différentes copies, particulièrement en Bretagne où les questions liées à l’environnement sont récurrentes (nucléaire, algues vertes, pesticides…).

Pour les prochaines régionales, EELV pouvait afficher de belles ambitions en début d’année, forte, notamment, de succès dans plusieurs grandes villes hexagonales. En Bretagne, le mouvement écologiste part en coalition avec deux autres formations : l’Union démocratique bretonne (UDB) et Ensemble sur nos territoires (ENT), récemment créé à l’initiative du sénateur Ronan Dantec (ex-EELV).

C’est à une militante EELV, Claire Desmares-Poirrier qu’a été confiée la tâche de mener la liste. Cette jeune femme, formée à l’Institut d’études politiques de Lille, est installée à Sixt-sur-Aff, dans le sud de Rennes. Elle y exploite quelques hectares consacrés à la culture de plantes aromatiques destinées à la fabrication de tisanes (bio, bien entendu). Sur son site L’Amante verte, elle y propose des formations, avec une « une journée pour une expérience sensorielle complète, de la terre à la tasse », au prix de 300 € et avec un argument imparable « TGV direct à deux heures de Paris ». De quoi faire grincer quelques dents du côté à la gauche de sa coalition ou chez les régionalistes bretons, chez lesquels on moque un « côté bobo » et « un manque profond de connaissance de la Bretagne ». Procès refusé par un membre de l’UDB qui défend Claire Desmares-Poirrier : « Elle vit ici depuis plusieurs années. Elle est enracinée. Elle chante même en gallo dans des veillées. »

Finance verte

Claire Desmares-Poirrier se verrait donc bien présidente de la Région et s’est lancée dans une campagne où les oppositions internes sont vigoureuses, à la surprise de nombre de journalistes ‒ pourtant habitués à en voir des Verts et des pas mûrs ‒, qui recueillent les confidences étonnantes de son propre camp. Et autant dire que les flèches ne manquent pas, avec pour cible la candidate et les proches dont elle s’est entourée pour diriger la campagne.

Chez de nombreux militants écologistes, sincèrement engagés à gauche, la question de l’argent fait toujours l’objet d’une réserve pudique. La nomination d’Arnaud Giraudon comme « coordinateur » de la campagne a ainsi provoqué quelques réactions et non des moindres, puisque, sur Facebook, l’ancienne tête de liste EELV en 2015, René Louail, écrivait le 6 avril : « Nous avons été plusieurs interpellés concernant les futures élections régionales avec un sentiment profond de voir arriver aux manettes des éminents de la FNSEA, et des organisations économiques. Très interpellé, étant donné mon parcours (même si je ne suis pas dans le comité de campagne) sur la présence, de l’ancien directeur de Fortuneo, (start-up d’Arkéa,) comme directeur de campagne de la liste Bretagne d’avenir, conduite par Claire Desmares-Poirrier. Ce mélange des genres dans des listes dites « de gauche », et particulièrement chez les écolos est imbuvable. Cette confusion insupportable invite les différents acteur-trices à clarifier la situation. »

Jeu de ping-pong

Autant dire que chez les écolos, on a le sens de la camaraderie… Et l’on s’est fait un plaisir de nous faire parvenir des renseignements sur un autre proche de Claire Desmares-Poirrier, le trésorier régional d’EELV, depuis juillet 2020, Alain Dubois, pressenti pour être le mandataire financier de la campagne des régionales 2021 de la coalition.

Ce dernier a, en effet, été président de la Fédération française de tennis de table (FFTT) de 2008 à 2011, avant d’en démissionner brusquement. Et pour cause… « Un type sympa, se souvient un confrère spécialisé dans le ping-pong. Il espérait être président-salarié, mais cela lui a été refusé. Il a donc pris quelques libertés avec la comptabilité et un peu joué avec les notes de frais… Le préjudice portait sur 38.000 € environ. » Une plainte a d’ailleurs été déposée à l’époque, ce qui nous éclaire sur les turpitudes du ping-pong hexagonal. Dans le bulletin interne de février 2018 de la FFTT, on y apprend en effet qu’Alain Dubois aurait été condamné à « cinq mois de prison avec sursis plus des dommages-intérêts au titre du préjudice moral, matériel à hauteur de 4320,79 € ». Il sera ensuite radié de la fédération, ce qu’il a contesté au tribunal administratif.

Interrogé, le secrétaire fédéral, Pierre Guézennec, reconnaît être au courant. « Nous avons été informés de ces problèmes avec une fédération sportive. Cela ne concerne pas les mêmes activités. À EELV, nous avons des procédures de contrôle strictes. Il y a une trésorière adjointe et un commissaire aux comptes, le tout vérifié par une commission nationale. Il n’y a aucun risque. » Sollicitée par e-mail, Claire Desmares-Poirrier nous a répondu par le biais de Florence Eckenschwiller, spécialiste en communication, notamment de crise. Dans son mail, cette dernière explique :« Nous avons eu vent de rumeurs sur le sujet. Le seul élément factuel en notre possession est un casier judiciaire vierge d’Alain Dubois. » Et d’ajouter : « Il existe une association de financement électoral de la campagne. Elle est présidée par Alain Dubois. Elle comprend également un trésorier qui n’est pas Alain Dubois. »

Tout cela fait quand même un peu désordre… « C’est de l’amateurisme ! s’étrangle un candidat sur la liste. Pourquoi confier à Alain Dubois un tel poste ? Bien entendu, il a le droit de militer et de défendre ses idées, mais pas au poste de mandataire financier ou de trésorier ! Si on lui avait confié une autre fonction, cela ne poserait pas problème. Il faut que cela se sache, dans un souci de transparence auprès des citoyens. On ne peut pas leur cacher ce genre de chose, surtout dans notre mouvement qui a toujours été exemplaire dans ce domaine. » Pierre Guézennec reconnaît que « cela peut interroger, mais je le rappelle, nous avons des procédures très strictes de contrôle financier ».

Un conseiller politique sanctionné

Nathanael Legeard lors de la présentation de la liste de gauche à Carhaix en 2020.

Dans la garde rapprochée de Claire Desmares-Poirrier, on retrouve aussi l’un des cadres bretons d’EELV, Nathanaël Legeard, nommé conseiller politique et rémunéré en tant que tel. Ce qui, une fois encore, fait grincer quelques gencives. Selon plusieurs sources internes, Nathanaël Legeard aurait été sanctionné en 2020 sur des questions financières touchant à la campagne des municipales à Carhaix, où, un temps pressenti comme tête de liste, il s’est présenté comme simple membre sur la liste de gauche d’opposition au maire, Christian Troadec, réélu au premier tour en mars dernier.

En 2020, Nathanaël Legeard aurait été suspendu six mois d’EELV, ce qui ne l’aurait pas empêché de faire campagne pour Claire Desmares-Poirrier durant ce laps de temps. La sanction est confirmée par Pierre Guézennec, secrétaire régional d’EELV. « Il s’agit d’une procédure interne qui s’est achevée début mars. Nathanaël Legeard faisait partie d’une liste d’union de la gauche, cela n’a rien à voir avec le parti. C’est purgé et réglé. Chez nous, il n’y a pas de principe de double peine. » Quelques pudeurs quand même à nous en donner la raison… « Nous ne commentons pas les décisions internes d’EELV Bretagne, nous a répondu Florence Eckenschwiller. Les comptes de campagne font l’objet d’un contrôle indépendant. Aucune irrégularité n’a été relevée sur la campagne de Carhaix. »

On n’en apprendra pas plus, aurpès des instances régionales, sur les causes de la sanction, même si on ne pourra pas reprocher à EELV de prendre ce genre de problème à la légère. Bien que, contrairement à d’autres partis, cette exclusion temporaire n’avait pas été rendue publique.

De quoi énerver chez les partenaires d’EELV, dont certains auraient été proches de la rupture il y a quelques semaines. Du côté des cadres du mouvement écologiste, en off, on se désole de la tournure des événements, mais on fait bloc derrière la candidate. Cette dernière semble aujourd’hui se retrancher derrière sa garde rapprochée. Difficile de l’en blâmer, tant en politique, il convient de méditer cette formule tantôt attribuée à Antigone II de Macédoine, tantôt à Voltaire : « Mon dieu, gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m’en charge… »

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1 réponse

  1. Michel Le Tallec dit :

    Penaos emañ, Erwan?

    O paouez lenn da bennad-skrid emaon. Brav ha dedennus da gelenn keloù diwar-benn hon « mignoned » … ar re glas! Fiziañs ebet ken oute, deus ma soñj. Atav emaon o chom ‘ba Bro Guyane,
    labourat a ran evit France-Guyane, ur gazetenn pemdeziek dre Internet. Amzer em eus, koulskoude.
    Ma fell dit kaout un taol sikour (digoust), lâr din…
    A galon,
    Michel

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