Trebeurden, un nouveau projet immobilier fait grincer des dents…

A deux pas d’un quartier historique de la commune, l’entreprise Kaufman&Broad prévoit de construire, avec l’aval de la municipalité, deux immeubles résidentiels d’une hauteur dépassant les 13 mètres. Un projet qui fait réagir les habitants, regroupés en un collectif d’opposants.

Deux barres d’immeubles sur quatre niveaux, pour une hauteur totale dépassant les 13 mètres, une emprise au sol de plus de 4000 m2, et une livraison prévue fin 2026 de 63 logements, allant du studio au T5 : un projet immobilier (1) prévue pour une grande métropole française, voire pour les nombreuses communes de la couronne parisienne?  Non, ce programme, porté par le groupe Kaufman & Broad (2), vise une petite station balnéaire des Côtes d’Armor, moins de 4000 habitants à l’année, à savoir Trébeurden, en plein coeur de la Côte de Granit Rose. Le permis de construire a été signé le 23 février dernier par la maire de la commune, Bénédicte Boiron (divers droite), qui précise avoir reçu le dossier en mairie « le 30 novembre 2023 ».

Les réactions à ce projet d’envergure ne se sont pas faites attendre. Un collectif informel d’habitants s’est rapidement constitué. « A cela plusieurs raisons, souligne Christian Charton, membre du collectif. La manière dont nous avons été informés, tout d’abord, nous les proches voisins de ce projet à venir. Une simple lettre dans la boîte, reçue vers la mi-février, et uniquement envoyée aux 19 personnes susceptibles  d’être concernées. Puis une réunion d’information, programmée le 21 février, soit deux jours à peine avant la signature du permis de construire! » Sur ce point, la municipalité trébeurdinaise botte en touche. « C’est un projet privé, souligne Bénédicte Boiron, et son instruction doit donc se dérouler de façon secrète, sans publicité. Nous ne sommes donc pas tenus d’en informer le public. Et, par voie de conséquence, il n’y pas eu d’enquête d’utilité publique, puisqu’il s’agit, je le répète, d’un projet privé. »

Autre reproche émis par le collectif, la nature même du projet. « C’est complètement décalé par rapport au quartier de Bonne Nouvelle où il sera installé, martèle Christian Charton. Ce quartier, l’un des plus anciens de Trébeurden, historiquement peuplé de pêcheurs et de paysans, est constitué de petites maisons basses, dont certaines remontent au 18ème siècle, voire plus loin. Le futur immeuble, s’il se fait, ne s’intégrera absolument pas, au point de vue architectural et patrimonial, dans l’environnement. C’est un modèle d’habitat urbain, pas du tout adapté à l’endroit où nous vivons.» Un argument que la maire de Trébeurden admet – « la rupture esthétique peut effectivement être invoquée » déclare t-elle – même si elle ajoute très vite que « définir le quartier de Bonne-Nouvelle comme le lieu d’implantation du futur projet me semble excessif. » 

Dernier argument avancé par le collectif, le chantier à venir et ses probables nuisances. « Notamment en terme de creusement. Le projet de Kaufman & Broad envisage des parkings souterrains, 85 places annoncées. Mais le sous-sol, ici, c’est du granit, des ruisseaux souterrains. Selon les endroits, l’eau est à 1,70 m de profondeur. Et ils veulent creuser jusqu’à – 3,50 m ! Quel va être  impact sur nos maisons proches?» Une question à laquelle Bénédicte Boiron estime ne pas avoir à répondre. « L’instruction du permis de construire ne prend pas en compte les aspects techniques de sa réalisation. Je n’ai, pas plus que mes services, les compétences pour juger de ces travaux. Mais je comprend les inquiétudes suscitées par ce projet de parking souterrain. J’invite les riverains à questionner l’entreprise Kaufman&Broad sur ce sujet. » 

Le collectif, qui s’est assuré les services d’un avocat, a déposé le 22 avril un recours gracieux contre le projet auprès des instances municipales. Ces dernières, selon les dispositions légales en matière d’urbanisme, ont deux mois pour réagir. Il faut savoir aussi que d’autres recours gracieux ont également été déposés en mairie, émanant de particuliers ou d’associations indépendantes du collectif. Enfin, circule une pétition en ligne, initiée par le collectif, qui a recueilli 228 signatures, à la date de rédaction de cet article (3), selon Christian Charton. Plus « 133 signatures en version papier, dûment déposées en mairie. «Et nous nous réservons le droit d’aller plus loin, de saisir le tribunal administratif, au cas nous ne serions pas entendus. Nous sommes déterminés. »

Contactée à plusieurs reprises, l’entreprise Kaufman&Broad n’a pas répondu à nos demandes d’interview.

Michel LE TALLEC

(1): à noter que ce projet s’installera en lieu et place de l’Ecume de Mer, hôtel-restaurant emblématique de la commune, classé 2 étoiles, et fondée en 1948 par la grand-mère de l’actuelle propriétaire, Joëlle Nicol. La capacité hôtelière de l’Ecume de Mer est de 24 chambres.

(2) : fondé à Détroit (Etats-Unis) en 1957, le groupe Kaufman & Broad revendique plus de 70 000 appartements et maisons de villages, et environ 500 000 m2 de bureaux, construits sur le territoire français depuis son implantation en 1968. Près de 90 % de son chiffre d’affaires ont été réalisés par la vente d’appartements. 

(3): le 17 mai 2024.

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