Flag ! ne fait pas le malouin…
Flag ! est une association créée pour lutter contre l’homophobie et les discriminations dans les forces de l’ordre. Elle est traversée depuis quelques jours par une violente polémique, suite à l’élection étonnante de Michel Leguéret à sa présidence, un policier malouin connu pour un certain tropisme avec l’extrême droite et Zemmour….
A Flag !, c’est le bazar depuis quelques semaines. Dans cette association reconnue pour lutter contre l’homophobie dans les forces de l’ordre, on ne se remet pas de l’élection à sa présidence, le 23 août dernier, du policier malouin, Michel Leguéret. Une nomination qui n’aura duré que quelques jours. Dimanche 27 août, Leguéret a démissionné, suite aux révélations de sa proximité supposée avec… Eric Zemmour.
Un militant d’extrême droite à la tête d’une association de défense des droits LGBT dans la police et la gendarmerie… Mais comment-on est-on arrivé là ?
Depuis 2001 pour lutter contre l’homophobie
Pour comprendre, nous avons été contactés par un fonctionnaire de police et administrateur de Flag ! Appelons le Yves, on peut aisément comprendre qu’il ne donne pas son identité. Il nous explique la genèse de cette organisation : « Flag a été créée en 2001 après une Gay Pride où trois policiers se sont dit qu’il fallait se donner plus de visibilité au combat contre les discriminations et l’homophobie qui pouvaient exister dans la police. A l’époque, au ministère de l’Intérieur, on nous disait : non, il n’y a aucun problème dans ce domaine, juste des questions d’alcoolisme… »
Les choses changent, selon lui, lorsque les gendarmes intègrent Flag ! « A l’époque, Michèle Alliot-Marie était ministre de la Défense et on a vu qu’il y avait une bien meilleure écoute de ce ministère (auquel était affiliés les gendarmes) sur ces questions, du coup, cela a fait réagir l’Intérieur et cela a permis de faire progresser de nombreux points, dans la concertation et le dialogue. »
Petit à petit, Flag ! devient donc l’interlocuteur des ministères sur ces questions, notamment pour des missions d’informations. Cependant, depuis 4 ans, l’association s’est élargie aux personnels de l’administration judiciaire et pénitentiaire. « Les policiers et les gendarmes ont un peu l’impression d’être évincés, confie Yves. On a le sentiment que, maintenant, c’est ouvert au tout venant, ou à toute personne fantasmant sur l’uniforme… »
L’association Flag est, en tout cas, rentrée dans de grosses turbulences, cet été. Le 24 août, son président, Johan Cavirot a démissionné après 4 ans de mandat. Il avait été pourtant réélu en mai, lors d’une assemblée générale au cours de laquelle il avait proposé une révision des statuts pour le moins baroque.
Cette AG avait d’ailleurs ensuite été annulée, alors que plusieurs ministres étaient présents, dont Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, mais également le préfet de police et ancien secrétaire d’État, Laurent Nuñez.
L’assemblée générale exceptionnelle, convoquée en juin, avait été vécue par certains comme une tentative de marginaliser les policiers dans l’association… Quelques semaines plus tard, donc, Johan Cavirot quittait son poste de président et le conseil d’administration élisait un nouveau président, un Breton, Michel Leguéret.
Souverainiste de la Rance
Sauf que cette élection a fait long feu. Le nouveau président avait caché… un petit passé de pro-Zemmour, comme le magazine Têtu l’a révélé, dès le 28 août. « On sait simplement que le policier, qui affiche 38 ans de carrière au compteur, a adhéré à l’association il y a un an et demi, lors de la transition de genre de son fils. Proche du syndicat Alliance, marqué très à droite, il est rapidement devenu référent LGBT du commissariat de Saint-Malo et son travail pour développer l’association dans la région n’est pas contesté », explique l’article.
Toujours selon Têtu qui a interrogé l’ancien président, Johan Cavirot : « Michel Leguéret aurait ensuite convaincu le conseil d’administration qu’Éric Zemmour, c’était du passé. « Il nous a affirmé que la transition de son fils l’a radicalement changé, que c’est devenu le combat de sa vie. Après tout, c’est notre rôle en tant qu’association LGBTQI+ de changer les perceptions », reprend l’ancien président, manifestement ému par cette affaire. »
Un certain passif
C’est que, en effet, Michel Leguéret, a un léger passif dans la région. Il a été président de l’Association souverainiste de l’estuaire de la Rance (ASER), « mouvement souverainiste pour la défense de la culture, des valeurs et traditions françaises » en 2021, époque où il revendiquait plus de 120 adhérents.
Il avait alors organisé une conférence débat avec Éric Zemmour, à l’initiative de Reynald Secher. Ce dernier est l’auteur d’une thèse d’État sur la Vendée militaire dans les années 1980, thèse fort contestée par ailleurs…
Reynald Secher est aussi l’auteur d’une histoire de Bretagne en BD qui a connu un large succès dans les années 1990, notamment après sa reprise dans les pages de Ouest-France. Il a aussi travaillé à la communication de Jean-Pierre Raffarin lorsque ce dernier était président du conseil régional de Poitou-Charentes.
Reynald Secher a mis en évidence, en travaillant sur les archives, les exactions des troupes républicaines en Vendée et dans le sud de la Bretagne durant la Révolution française. Il est, en revanche, le promoteur du concept de génocide contre les Vendéens qui est beaucoup plus sujet à caution.
Dans les années 2010, Reynald Secher et son association Mémoire du futur de l’Europe, semblent beaucoup apprécier Éric Zemmour, dont ils organisent des déplacements en Bretagne. En 2021, Michel Leguéret, un « ami » de Reynald Secher, est ainsi l’une des chevilles ouvrières d’une réunion publique à Pleurtuit, près de Dinard.
On trouve aussi, parmi les organisateurs, Luc Tacher, membre des souverainistes « de la Rance ». Un sacré numéro 2 ! Puisqu’il serait connu pour sa passion des uniformes verts de gris, ceux de la Wehrmacht ou de la Waffen-SS, avec lesquels il affectionnerait de défiler… Comme le révélait le Nouvel Observateur.
Biotope « souverainiste »
Michel Leguéret se défend aujourd’hui de ses accointances avec l’extrême droite zemmourienne. Pourtant, il n’est pas un inconnu des lecteurs du Penn-Bazh, puisqu’il est le signataire d’un mail, en mars 2022, à Éric Zemmour, pour assurer le « Z » du ralliement des « souverainistes bretons »
Lire aussi : Une extrême droite bretonne… finalement très française
Cette fois, Michel Leguéret, policier français, se fait fort de ses liens avec Patrick Montauzier, ancien du FLB des années 1970 et fondateur du mouvement indépendantiste breton d’extrême droite Adsav…. Un mouvement qui s’est désormais transformé en Parti national breton (PNB), une référence à un autre parti créé dans les années 1930, dont les dirigeants ont ensuite collaboré avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale…
Complot ?
Face à la bronca provoquée par son élection, Michel Leguéret a préféré démissionner de la présidence de Flag au bout de quelques jours. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur les raisons qui l’ont poussé à accepter une telle charge, sachant que son passé avec l’extrême droite n’allait pas tarder à être dévoilées… Une simple recherche sur Google suffisait à faire remonter différents points troublants
Rappelons quelques citations de l’extrême droite vis-à-vis de la communauté LGBT :
En 2018, Jean-Marie Le Pen avait été condamné pour avoir associé pédophilie et homosexualité. Deux ans auparavant, à propos des gays au Front national, il avait déclaré : « les homosexuels, c’est comme le sel dans la soupe : s’il n’y en a pas assez c’est un peu fade, s’il y en a trop c’est imbuvable. »
Quant à Éric Zemmour, qui s’est fait un nom dans la lutte contre le mariage pour tous, on ne compte plus les plaintes pour homophobies à son encontre. Comme récemment, après cette déclaration sur le « lobby gay », lorsqu’il déclare : « « On a des caprices d’une petite minorité qui tient la main sur l’État et qui l’asservit à son profit et qui va d’abord désagréger la société parce qu’on va avoir des enfants sans père et je viens de vous dire que c’est une catastrophe et deuxièmement qui va faire payer ses caprices par tous les autres français.
Un Eric Zemmour qui conteste aussi la réalité de la déportation des homosexuels en camps de concentrations pendant la période nazie, ce qui lui a également valu quelques problèmes juridiques pour contestation de crime contre l’Humanité…
Alors que visait l’élection de Michel Leguéret à la présidence de Flag ? Une volonté d’entrisme dans une association qui n’est pas marginale en termes d’influence dans les forces de l’ordre ? Une certaine inconscience des protagonistes qui ne pensaient pas voir un certain passé mis au jour ?
Difficile de se prononcer, mais on rappellera cette maxime de Michel Rocard : « Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare. »
A suivre…
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