Qu’est ce que la Chambre régionale des comptes ?

Comme tous les médias, nous rendons régulièrement compte des avis de la Chambre régionale des comptes de Bretagne. Cette institution parfois méconnue, souvent redoutée, est chargée du contrôle financier des collectivités, d’organismes publics, mais également d’associations bénéficiant d’argent public. Souvent attendus avec appréhension par les élus, ses rapports, qui portent aussi sur la gouvernance, se veulent constructifs.

es chambres régionales des comptes (CRC) sont nées en 1983, avec la vague de décentralisation lancée au début du septennat de François Mitterrand. Il s’agissait d’assurer une mission de contrôle des nouvelles compétences attribuées aux collectivités locales, un rôle que jouaient auparavant les services préfectoraux en amont. Depuis, ces chambres régionales des comptes, dont celle de Bretagne, se sont imposées dans le paysage politique. « Nous rédigeons entre 40 et 50 rapports par an, souligne Sophie Bergogne, la présidente de la chambre régionale des comptes de Bretagne. Il y a une analyse de la situation et des recommandations. Le but est d’abord d’aider les collectivités ou les organismes contrôlés à améliorer les choses. »

La chambre régionale est d’ailleurs indépendante, même si « nous travaillons avec la Cour des comptes et les autres chambres régionales, indique Sophie Bergogne. Chaque magistrat est libre de choisir ses sujets. »

Trois missions

Et ces derniers ne manquent pas… La chambre régionale des comptes a trois missions principales. La première, et la plus connue, est le contrôle des comptes et de la gestion, ce qui concerne les collectivités, certains services publics, mais également des associations. « Toute association qui est financée à hauteur d’au moins 1.500 € par an par des collectivités peut être contrôlée, note Bernard Prigent, magistrat et responsable de la communication. On se concentre évidemment sur celle qui touche des centaines de milliers d’euros. » Ce contrôle porte sur les budgets, les aspects financiers, mais également la commande publique ou les relations humaines. « Tout ce qui concerne les politiques publiques », explique Sophie Bergogne.

La chambre régionale exerce aussi un contrôle budgétaire. C’est à ce titre – et la procédure est méconnue – qu’elle peut être saisie par une entreprise ou une personne en contentieux avec une collectivité pour des paiements.

Enfin, son rôle a évolué depuis janvier 2023. « Auparavant, souligne Sophie Bergogne, nous étions chargés du contrôle juridictionnel. Il s’agissait de vérifier la conformité des dépenses et des recettes enregistrées par les comptables publics. Désormais, notre mission a évolué en un contrôle de la légalité des actes émis par les collectivités. On regarde toute la chaîne de la dépense publique. En cas de problème, nous pouvons le signaler à la Cour des comptes qui a mis en place une chambre spéciale du contentieux. Il faut cependant qu’il y ait des fautes graves avec un préjudice significatif. »

Une cinquantaine de membres

La chambre régionale des comptes compte une cinquantaine de membres. 14 magistrats sont en poste. Ils travaillent avec une cinquantaine de vérificateurs qui les secondent dans leurs missions. Ce à quoi s’ajoutent des services administratifs et d’encadrement. La chambre dispose ainsi d’un service de documentation sur l’actualité bretonne ou sur l’évolution du droit et des finances locales. Enfin, un procureur financier est en poste. C’est lui qui peut notamment déclencher l’action publique en cas de contentieux. Il exerce aussi un contrôle de la légalité. Si les membres de la chambre constatent d’ailleurs des situations illégales, la présidente a la possibilité de transmettre au procureur de la République.

Comment devient-on membre de la chambre régionale des comptes ? « Il y a différentes voies pour les magistrats, note Sophie Bergogne. On peut être recruté à la sortie de l’Institut national du service public (ancienne Ena). Des magistrats ou des membres d’autres administrations peuvent être également recrutés, suivant une procédure sélective. Enfin, un concours est proposé tous les deux ans. Les vérificateurs viennent aussi de différentes administrations, avec des profils variés. C’est important pour nous de pouvoir profiter d’expériences diverses et d’approches différentes du terrain. »

Gouvernance

La chambre régionale des comptes, en effet, se défend des reproches qui en feraient une institution déconnectée des réalités du terrain. « Dans notre rapport sur les algues vertes, explique Sophie Bergogne, nous avons pris deux ans pour rencontrer et faire se rencontrer les différents acteurs qui ne se parlaient pas… » Elle souligne que les rapports, une cinquantaine par an, « intègrent à deux reprises les réponses des élus ou de responsables d’organismes ».

Des rapports qui peuvent en effet désormais concerner des sujets régionaux et transversaux à plusieurs collectivités. La chambre vient ainsi de publier une synthèse sur les centres routiers.

La chambre régionale des comptes ne s’intéresse pas qu’aux contrôles financiers, « cela ne représente que 20 % de notre activité, note Sophie Bergogne. Nous nous préoccupons également de la gouvernance : comment les services fonctionnent et font leur travail, s’il y a suffisamment de réunions, quels sont les risques… ».

Les rapports de la chambre régionale sont parfois attendus avec une certaine appréhension par les élus qui se plaignent de devoir y consacrer beaucoup de temps. « Les rapports sont construits avec les élus qui peuvent répondre à deux reprises, et ces réponses sont publiées. »

Pour ses membres, la chambre régionale est un « instrument au service de la démocratie ». S’il n’y a pas de saisine directe, les citoyens peuvent écrire ou envoyer un message via la plateforme sur le site de la chambre.

« Ici, en Bretagne, conclut Sophie Bergogne, la gestion des collectivités est plutôt correcte, et les élus sont respectueux des règles. C’est beaucoup plus calme que dans d’autres régions. Quand on relève des choses, c’est avant tout pour améliorer la situation. »

Comment se déroule un contrôle de la Chambre régionale des comptes ?

Un contrôle de la chambre régionale des comptes débute par une phase d’instruction. Le responsable de l’organisme contrôlé est informé par courrier, avant une prise de contact. Ensuite, sur place, la chambre est habilitée à se faire communiquer « tous les documents, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des collectivités publiques, des établissements publics et des autres organismes soumis au contrôle ».

Un entretien a lieu à l’issue de l’instruction entre le responsable de l’organisme et le magistrat instructeur. Ce dernier présente ensuite ses propositions à la chambre qui, après délibération, établit un rapport d’observations provisoires. Dans une deuxième phase intervient un processus contradictoire. Le rapport provisoire est transmis aux responsables de l’organisme contrôlé qui peuvent y répondre dans les deux mois. La chambre délibère à nouveau avant d’établir un rapport d’observations définitives. Les responsables de l’organisme contrôlé ont, cette fois, un mois pour adresser une réponse écrite au greffe de la chambre.

Le rapport définitif et les réponses sont ensuite envoyés au destinataire qui doit le communiqué à l’assemblée délibérante (par exemple, le conseil municipal) ou à l’organe collégial de décision dès la plus proche réunion.

Après la tenue de cette réunion, le rapport d’observations définitives, accompagné des réponses, devient « un document communicable à toute personne qui en fait la demande ». Il est d’ailleurs mis en ligne sur le site Internet de la chambre régionale des comptes. Dans un délai d’un an, le responsable de l’organisme doit présenter un rapport sur les actions entreprises à la suite des observations et des recommandations de la CRC.

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