Guérande : paludier, mais pas soumis !

On s’est baladé dans le marias salant breton de Loire-Atlantique, notamment à Saillé, la maison des paludiers vous explique, en 3D, l’histoire du sel en Bretagne et les luttes pour préserver ce patrimoine exceptionnel. Et c’est un endroit autogéré !

En cette fin de mois d’août, les derniers touristes quittent la Loire-Atlantique. Cette année, la Bretagne a eu la côte, malgré une météo difficile, notamment dans la région de Guérande et ses fameux marais salants. Les paludiers sont en pleine récolte. Les tas de sel montent à côté des petites cabanes où flottent le gwenn ha du ou les drapeaux Breizh 5/5 pour rappeler que la Bretagne a bien cinq départements…

Une riche histoire

Les marais salants font partie du paysage du sud de la Bretagne, avec leurs oeillets, leurs constructions de terre et d’argile, leurs systèmes hydrauliques complexes, les tas de sel récoltés séchant au soleil… Ils fonctionnent suivant un principe simple.

L’eau de mer irrigue les marais au rythme des marées. L’eau parcourt ensuite différents bassins grâce à un système de dénivellation, puis s’évapore en se transformant en saumure. Le paludier récolte ensuite la fleur de sel qui se trouve en surface ou le gros sel, au fond de l’oeillet.

La récolte du sel et l’entretien des marais impliquent également un certain nombre de savoir-faire ancestraux. Ils sont à l’origine de tout un vocabulaire qui emprunte beaucoup à la langue bretonne, parlée ici jusqu’au début du XXe siècle.

On découvrira d’intéressants témoignages sur cette culture du sel au musée d’arts et traditions populaires de Guérande ou au musée des paludiers de Batz-sur-Mer, l’un des plus anciens musées d’ethnologie en France. 

La paludière devant le musée des marais salants de Batz.

Les marais salants sont en effet apparus durant le haut Moyen Âge, à l’époque où les Bretons s’installaient dans la région. Une charte de 845, conservée dans le Cartulaire de Redon, nous apprend que le comte de Vannes aurait fait don à l’abbaye de Redon de terrains dans la presqu’île de Guérande, afin d’y construire des salines.

Du XIIIe au XVe siècle, l’or blanc est alors produit dans la baie de Bretagne, autour de Bourgneuf « de l’autre côté de l’eau », au sud de la Loire, dans la région de Guérande et dans le pays de Vannes.

Sel et grande pêche

Avec les troubles du XVIe siècle, la demande et la production baissent. Aux siècles suivant, elle va être relancée grâce à la grande pêche dans laquelle les Bretons s’investissent. Ils vont notamment pêcher la morue en Atlantique nord, à Terre-Neuve ou en Islande. Salée, la morue est ensuite revendue dans toute l’Europe. Au XVIIIe siècle, la demande de sel est telle que le bassin guérandais arrive à saturation.

De nombreux paludiers guérandais se déplacent vers le pays vannetais. Ils défrichent d’importantes zones littorales, notamment dans la presqu’île de Rhuys. Grâce à leur grande maîtrise de l’hydraulique salicole, ils transforment durablement ces paysages.

Entre 1728 et 1745, deux mille trois cents œillets sont ainsi réalisés dans les marais de Sené, près de la rivière de Navallo, à la demande des chanoines de la cathédrale de Vannes qui espèrent se renflouer après une banqueroute.

Quatre cents paludiers y travaillent. De nouvelles salines seront ensuite aménagées jusqu’à la région d’Auray. La production bretonne continue d’augmenter jusqu’au XIXe siècle, avant de décliner. En guerre contre la France, les Britanniques ont trouvé d’autres sources d’approvisionnement.

L’invention des conserves métalliques, permettant de conserver les aliments durablement, porte également un coup sévère à la production salicole.

Le développement des conserveries de poisson entraîne, par exemple, la disparition des presses à sardines, grandes consommatrices de sel.

Les salines de l’ouest et de Bretagne doivent également faire face à la concurrence des salines du midi ou de l’est qui proposent un sel moins cher et plus rapide à obtenir.

Gabelle et beurre salé

Outre son poids économique, le sel a joué un rôle culturel important en Bretagne. Après la perte de son indépendance et jusqu’à la Révolution, la Bretagne disposait en effet d’un statut particulier, notamment en matière fiscale. Contrairement au reste du royaume de France, on n’y prélevait pas la gabelle, un impôt très impopulaire sur le sel.

Il existait une importante activité de contrebande entre la Bretagne et les provinces voisines, réprimées par les fameux « gabelous ». Nombre de contrebandiers, au chômage après 1789, fourniront des troupes à la chouannerie.

Sous l’ancien régime, le sel était donc très bon marché en Bretagne. Il pouvait, par exemple, être utilisé pour conserver les laitages et particulièrement le beurre dont la production a toujours été importante dans la péninsule. C’est un élément pour expliquer l’absence de fromages traditionnels en Bretagne, ainsi que le goût des Bretons – Loire-Atlantique incluse – pour le beurre salé, dont la production chute dans les départements voisins.

Lutte contre la rocade

Pour comprendre l’histoire du sel en Bretagne, une halte s’impose aussi à la Maison des paludiers à Saillé. Cette structure, toujours autogérée par une association et sans subventions, est née de la lutte contre un projet de « rocade » dans les années 1970. Voulue par le « baron des Pays-de-la-Loire, Olivier Guichard, elle devait traverser les marais salants pour rejoindre Le Croisic.

Dans un intéressant article sur le site Bécédia, Hubert Chemereau raconte ce combat pour préserver un patrimoine naturel exceptionnel, des savoir-faire ancestraux et une certaine identité de cette partie de la Loire-Atlantique.

La chose est surtout très bien racontée à la Maison des paludiers avec une maquette en 3D et une muséographie très pédagogique. Et on peut en profiter pour faire une balade guidée dans les marais salants ou acheter du sel de la coopérative des producteurs locaux, une coopérative elle-aussi issue de cette lutte sociale victorieuse.

Les marais salants de Guérande font partie du paysage de la Bretagne. Ils ont été sauvé dans les années 1970 de la bétonisation.

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1 réponse

  1. PRESSENSE Jean-Louis dit :

    Dommage de ne pas avoir rappelé le nom du sculpteur de la Paludière, c’est le grand Jean Fréour, l’enfant du pays !

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