Une nouvelle affaire Fañch à Lorient ?
Ce vendredi 23 juin, le maire de Lorient, Fabrice Loher, a signé l’acte de naissance d’un petit Fañch. Avec un tilde sur le n, ce qui est théoriquement interdit depuis une circulaire Taubira de 2014. Le parquet contestera-t-il à nouveau cette utilisation d’un signe diacritique et va-t-on vers une nouvelle affaire Fañch ? Les défenseurs des langues régionales sont déjà mobilisés.
Il l’a fait : ce vendredi 23 juin, Fabrice Loher, maire de Lorient, a signé l’acte de naissance d’un petit Fañch. L’utilisation de certains signes diacritiques, dont le tilde, est pourtant théoriquement défendu par une circulaire de 2014 du ministère de la Justice.
La chose est d’autant plus étonnante que si le tilde est utilisé en espagnol, en portugais et en breton, il l’est aussi en français depuis fort longtemps. On le retrouve ainsi à trois reprises dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui instaure le français comme langue officielle du royaume…
Première affaire Fañch
En 2017, l’affaire du petit Fañch Bernard avait déjà défrayé la chronique. Après avoir essuyé un refus par l’hôpital de Quimper, les parents de l’enfant avait été à l’origine d’une large mobilisation. Le 15 mai 2017, la municipalité de Quimper avait finalement décidé d’approuver l’orthographe du prénom avec un tilde et d’outrepasser la circulaire Taubira, au nom notamment, de l’article 75-1 qui affirme que les langues régionales font partie du patrimoine de la France, ainsi que l’article 57 alinéa 2 du Code civil, issu de la loi du 8 janvier 1993, qui consacre « le principe de libre choix du prénom par les parents ».
Mais, en juillet 2017, les parents sont convoqués par la justice pour un rectificatif. Ils décident de ne pas se laisser faire et d’engager une lutte juridique. L’affaire part donc en justice et fait grand bruit en Bretagne. Après un premier jugement défavorable au tribunal de grande instance à Quimper. Puis, au contraire, le 19 novembre 2018, la cour d’appel de Rennes valide le prénom Fañch avec tilde car ne portant pas atteinte à la rédaction d’actes publics en français ni à l’article 2 de la constitution qui stipule que le français est la langue de la République, un article destiné à protéger la langue française de l’anglais, mais qui a surtout servi à lutter contre les langues régionales depuis les années 1990.
Finalement, le 17 octobre 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi du parquet sur une erreur de procédure. Le petit Fañch peut garder son prénom.
Illégal ou toléré ?
A la suite de cette décision de la cour de cassation, en février 2020, le gouvernement français annonce préparer un décret pour autoriser l’utilisation des signes diacritiques, mais, un mois plus tard, la crise du Covid éclate. En avril 2021, la loi Molac sur la protection et la promotion des langues régionales est adoptée. Elle autorise notamment l’inscription dans les actes d’état civil des signes diacritiques en langue régionale. C’est l’un des deux points censuré par le conseil constitutionnel, saisi par la majorité présidentielle et Aurore Bergé, en mai 2021. Le conseil constitutionnel estime que cela contrevient à l’article 2 de la consitution.
Ironie de l’histoire, en 2021, le coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, ancien secrétaire d’Etat, se nomme Laurent Nuñez avec un tilde…
Reste à savoir ce que fera la justice dans ce nouveau cas. « Ce serait quand même triste d’avoir à batailler pour ce genre de chose, estime Charlie Grall, président de Skoazell Vreizh, l’association qui avait soutenu le premier petit Fañch. Cela paraît pourtant une question de bon sens. Si la justice se saisit de cette affaire, ce serait en tout une nouvelle illustration du mépris du pouvoir parisien et de l’Etat central à l’égard des Bretons ! ».
A suivre donc…
La justice n’aura à se prononcer que si le procureur la saisit !