Chez les écolos bretons, ce n’est toujours pas très Claire…
Cela ne va pas très fort au conseil régional de Bretagne pour la leader des écolos, Claire Desmares. Après un râteau pour une investiture aux législatives, une victimisation pour « attitude viriliste » qui fait pschitt, voilà ses alliés de l’UDB et de Ensemble pour nos territoires qui claquent la porte et pourraient se rapprocher d’un Loïg Chesnais-Girard qui n’en demandait pas tant et ne disposait jusqu’alors que d’une majorité relative…
« Les écolos sont capables du meilleur comme du pire, mais c’est dans le pire qu’ils sont les meilleurs ! » Cette bonne phrase est attribuée à Daniel Cohn-Bendit et ne dépareillerait pas dans l’histoire récente de l’écologie bretonne. Vendredi 8 juillet, dans un communiqué assez fracassant, les alliés des écolos, les 6 conseillers UDB et Ensemble pour nos territoires (EPT) ont en effet annoncé qu’ils claquaient la porte de l’inter-groupe commun avec Europe Ecologie Les Verts (EELV), tout en critiquant vertement la leader, Claire Desmares, qu’ils soutenaient pourtant un an auparavant au moment des élections régionales.
Grosses salades vertes
La désignation de Claire Desmares à l’époque « -Poirrier », comme tête de liste d’une liste de rassemblement entre EELV, l’UDB, Ensemble pour nos Territoires étaient loin d’avoir fait l’unanimité en 2021, nombre d’observateurs la jugeant hors-sol. A l’époque, la militante écologiste se présentait comme « exploitante de ferme en Bretagne », spécialisée dans les tisanes à Sixt-sur-Aff, dans la banlieue de Rennes, comme la décrivait Le Monde.
A cette période, Claire Desmares-Poirrier se passionnait pour sur l’exode urbain vers les campagnes. A coup de vidéos édifiantes
Elle y a même consacré un livre, L’Exode urbain, manifeste pour une ruralité positive, Editions Terre vivante, 2020.
Le charme, chez les écologistes français, c’est leur capacité à être « taquins » avec leurs petits camarades. Confidence d’une militante EELV rennaise : « Oui, c’était sympa le sketch de Claire Desmares avant les régionales, la ferme, le café associatif à la campagne, l’exode urbain. Bref, depuis son élection au conseil régional, elle habite dans le centre de Rennes. Près de la gare, ce qui aurait été pratique, si elle avait été désignée par la Nupes aux législatives. Mais cela n’a pas été le cas… »
La campagne des régionales de Claire Desmares avait également été ambiancée par quelques révélations du Penn-Bazh sur son environnement quelque peu sulfureux :
Pour en savoir plus :
En Bretagne, les Verts ne lavent pas plus blanc
Drôles de salades chez les écolos bretons
Remous à l’UBD autour de l’alliance avec les écologistes aux régionales
Bulletins secrets
Finalement, la liste EELV-UDB-EPT recueille presque 15 % au premier tour des régionales 2021. Cependant, par cohérence politique, le président socialiste sortant, Loïg Chesnais-Girard préfère s’allier avec Daniel Cueff. Claire Desmares-Poirrier et ses alliés finissent avec un score plus qu’honorable de 20,22 % au second tour. Soit 12 conseillers, dont 4 UBD et 2 EPT. Loïg Chesnais-Girard n’a qu’une majorité relative, mais il parvient à faire adopter son budget 2022 grâce à un vote à bulletins secrets, ce qui provoque l’ire de Claire Desmares qui saisit le tribunal administratif.
Amusé, Loïg Chesnais-Girard lui répond, concernant le vote à bulletin secret : « attaquer, c’est réduire la liberté donnée aux élus de voter face aux pressions. »
Râteau aux législatives
Peinant à exister au conseil régional de Bretagne où, sans doute, à comprendre le concept, certes parfois subtil et volontiers tordu, de « consensus à la bretonne », Claire Desmares s’est enfermée dans une opposition systématique à Chesnais-Girard, tout en cultivant de plus hautes ambitions. Elle se voyait en effet en tête d’affiche aux législatives 2022, dans une circonscription gagnable pour la gauche. Au sein de la Nupes, la France insoumise mettra son veto dans la première circonscription d’Ille-et-Vilaine. Chez les Mélenchonistes et compagnie, on n’a pas oublié le refus des Verts de fusionner pour le second tour, la LFI ayant obtenu plus de 5 % des voix. Un dilemme pour EELV qui aurait dû se séparer de l’UDB qui ne goûte guère les positions ultra-jacobines de LFI, notamment sur les langues régionales. « En 2015, les Verts ont réalisé leur plus mauvais score aux régionales, derrière les régionalistes avec lesquels ils auraient pu faire alliance. Cela reste une humiliation pour eux », note un militant de l’UDB.
Vexée de son absence aux législatives, Claire Desmares va jusqu’à contacter le mouvement Generation(s) pour proposer à son candidat, Tristan Lahais, de lui céder sa place comme candidat de la Nupes dans la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine. Mais là aussi, le passé refait surface. Lors des Régionales 2021, Génération(s), le mouvement de Benoît Hamon, qui représentait autrefois l’aile gauche du parti socialiste, avait espéré une alliance avec Chesnais-Girard. Ce dernier l’a refusée personnellement, au grand dam d’ailleurs de certains de ses soutiens. Finalement, Génération(s) rejoint l’alliance de Claire Desmares, qui ne lui accorde aucune place éligible aux régionales 2021. Une petite humiliation qui ne passe guère un an plus tard.
Tout comme l’autre figure de l’écologie rennaise, Gaëlle Rougier, Claire Desmares ne sera pas députée.
Agression et scission
Dépitée, Claire Desmares continue son affrontement avec Loïg Chesnais-Girard. Le 30 juin 2022, que s’est-il passé avec le vice-président régional à l’agriculture ? Sur les marches du conseil régional, Claire Desmais accuse ce dernier d’avoir eu une attitude « viriliste » à son égard, comme le relate Ouest-France. L’intéressé explique avoir surtout reproché à Claire Desmares « de ne pas dire bonjour » à ses collègues.
Malaise dans l’assemblée régionale. « Honnêtement, on a connu dans l’histoire des hommes politiques des plus machos que Loïg Chesnais-Girard, confie une conseillère régionale d’opposition. Personnellement, je trouve cela très déplacé par rapport aux femmes qui sont réellement victimes de violences et dans des situations autrement plus dramatiques ! » Depuis, Claire Desmares fait état d’une « ITT de 14 jours » et d’une pétition de soutien « signée par 200 personnes »…
Sauf que ce dernier épisode a provoqué un clash dans son propre intergroupe. L’UDB et Ensemble pour nos territoires ont décidé de quitter les écologistes avec qui ils étaient en alliance électorale un peu plus d’un an après le scrutin. Dans un communiqué (ci-joint), ils expliquent :
« Cette démarche nous pose un problème de fond au plan de l’éthique. Nous ne pouvons accepter une instrumentalisation à des fins personnelles ou politiciennes de sujets lourds comme le harcèlement moral ou sexuel et les comportements sexistes. Des postures victimaires reposant sur des récits qui ne correspondent pas à la réalité des faits desservent la cause des femmes victimes de violences réelles, que ce soit dans le milieu politique ou dans la société en général. »
Quelles répercussions ?
Du côté de l’UDB, on l’assure, cela ne change rien et le parti autonomiste est toujours dans l’opposition à la majorité régionale, même s’il s’inscrit dans un « dialogue constructif » et salue des avancées comme le « vœu pour l’autonomie ». Le conseiller régional, Nil Caouissin a ainsi twitté : «Trist on gant an diviz-se met ne oa ket posubl ken. Spi am eus e vo tu labourat en-dro gant ar strollad Ekologourien Breizh en dazont. Décision douloureuse mais ce n’était plus tenable. J’espère que nous travaillerons à nouveau avec le groupe Ecologistes de Bretagne à l’avenir. »
Qu’en sera-t-il à la rentrée ? Il manque deux voix à Loïg Chensais-Girard pour obtenir la majorité absolue. A gauche, il y a désormais 6 vois UDB-EPT libres de tout compromis avec Claire Desmares et, à droite, les cinq élus de la majorité présidentielle, rescapés du désastre des macronistes en 2021. Ce qui promet de belles combinaisons dans les mois à venir…
Le communiqué de Breizh-a-Gleiz :
éConseil régional de Bretagne : ce que le groupe politique Breizh a-gleiz entend par une
« opposition utile » pour les Bretonnes et aux Bretons.
À la suite du vote houleux du budget de la Région Bretagne, en février dernier, le groupe Breizh- a-gleiz a pris une initiative politique destinée à faire bouger les lignes du projet breton, en invitant la majorité régionale dirigée par Loïg Chesnais-Girard à engager un dialogue structuré avec les oppositions, et en nous investissant dans ce dialogue sur quelques grands sujets quenous identifions comme prioritaires : transformation du modèle agricole et agro-alimentaire breton, aménagement du territoire, transports, crise du logement, autonomie politique de la Bretagne. Nous avons informé de cette démarche nos collègues du groupe Les Écologistes de Bretagne, avec lesquels nous avons fait campagne commune en 2021.
Cette stratégie de dialogue constructif avec la majorité relative repose sur une double analyse. Tout d’abord le constat que l’acuité des défis écologiques, sociaux, économiques et démocratiques auxquels fait face la Bretagne impose un volontarisme de l’action. Nous n’avons pas un mandat à perdre dans une opposition de posture, quand le GIEC nous donne trois ans pour agir de manière décisive face à l’urgence climatique. Ensuite le constat que cette majorité relative, certes trop frileuse et hésitante sur l’ampleur de la transformation à opérer, trop souvent prise dans des contradictions, est néanmoins une force politique avec laquelle nous partageons un socle de valeurs.
Nous n’avons pas affaire à une majorité de droite conservatrice, mais à une majorité de gauche, certes très composite mais issue en grande partie de formations politiques qui siègent avec les écologistes et les autonomistes dans des majorités départementales et municipales. Notre stratégie en tant qu’opposants au Conseil régional ne peut être la même que si nous étions face à une majorité aux antipodes de nos positions.
La présidente du groupe Les Écologistes de Bretagne, groupe avec lequel nous partageons des objectifs communs de transformation écologique, sociale et démocratique pour la Bretagne, a choisi une autre méthode pour, pense-t-elle, atteindre ces objectifs : celle d’une opposition frontale, où la forme prend parfois le dessus sur le fond. Nous ne nous retrouvons pas dans cette méthode.
À l’appui de cette stratégie, la présidente du groupe Les Écologistes de Bretagne a formé un premier recours au Tribunal Administratif sur le vote à bulletin secret du budget régional en février 2022. Notre groupe ne s’est pas associé à ce recours, pour une raison limpide : un vote à bulletin secret, s’il manque de transparence quant au positionnement individuel des membres du Conseil régional, ne peut être considéré pour autant comme « non démocratique ».
Trop de peuples dans le monde aspirent encore à voter à bulletin secret pour que nous puissions nous permettre de donner aux mots un sens qu’ils n’ont pas.
Désormais, sur la base d’un incident en marge de la session du 1er juillet, incident dont nous n’avons pas été témoins mais qui, selon les protagonistes eux-mêmes, n’a donné lieu ni à contact physique ni à insultes, la présidente du groupe Les Écologistes de Bretagne a fait savoir publiquement qu’elle envisageait de déposer une plainte contre un vice-président pour agression « viriliste ». Elle diffuse une pétition de soutien à sa cause en ce sens, pétition qu’elle a intitulée « Dire non aux violences sexistes et sexuelles dans les collectivités » et dans laquelle elle accuse le vice-président en question de « menaces, intimidations, outrage sexiste », se pose en « victime » et appelle à « une sanction exemplaire contre l’agresseur ».
Cette démarche nous pose un problème de fond au plan de l’éthique. Nous ne pouvons accepter une instrumentalisation à des fins personnelles ou politiciennes de sujets lourds comme le harcèlement moral ou sexuel et les comportements sexistes. Des postures victimaires reposant sur des récits qui ne correspondent pas à la réalité des faits desservent la cause des femmes victimes de violences réelles, que ce soit dans le milieu politique ou dans la société en général.
Fin 2020 et début 2021 nous avions déjà vécu une campagne électorale difficile, au cours de laquelle la présidente du groupe Les Écologistes de Bretagne avait formulé des accusations de harcèlement sans fondement à l’encontre de quatre colistiers, dont – nous tenons à le souligner – trois femmes. Seule une intervention de la co-secrétaire régionale de EELV Bretagne avait permis de couper court à cette accusation. L’attitude de la candidate tête de liste avait contribué à notre décision de former un groupe autonome à l’issue des élections, nous permettant de nous concentrer sur le fond des sujets, à l’abri de cette stratégie de tension permanente.
Malgré cela, depuis le début du mandat, la présidente du groupe Les Écologistes de Bretagne s’est permise à plusieurs reprises d’agir au nom de notre groupe, sans nous en avertir, y compris au moment des discussions sur le budget régional.
Nous voulons faire de la politique au meilleur sens du terme. Les Bretonnes et les Bretons veulent savoir comment leurs représentant-e-s élu-e-s au Conseil régional travaillent à l’édification d’un nouveau modèle de développement pour la Bretagne. Le registre de l’outrance et de l’hyper-personnalisation est dans l’air du temps mais il contribue surtout à discréditer le travail politique aux yeux de l’opinion publique. La démocratie bretonne mérite mieux.
Dans ce contexte, le groupe Breizh a-gleiz a donc dû prendre, à regret, la décision de suspendre provisoirement l’intergroupe formé avec Les Écologistes de Bretagne. Les urgences écologique, économique, sociale et démocratique imposent de ne pas renvoyer à 2028 l’écriture d’une nouvelle trajectoire bretonne qui soit à la hauteur de ces urgences, ce qui suppose d’installer une méthode de travail, certes exigeante mais toujours constructive avec la majorité régionale relative.
Cette suspension de l’intergroupe que notre groupe autonomiste forme avec Les Écologistes de Bretagne nous semble nécessaire pour travailler sereinement sans être les otages d’une stratégie de communication que nous ne partageons pas, notre préoccupation étant de concrétiser autant que possible le programme commun que nous avons porté aux élections régionales. Car c’est bien dans une posture de travail sur le fond qu’une opposition de gauche et écologiste comme la nôtre peut infléchir les politiques menées. Nous espérons en convaincre nos partenaires du groupe Les Écologistes de Bretagne pour pouvoir reprendre les travaux de l’intergroupe dans un cadre qui permettra le succès de nos combats communs. »
Plutôt sibyllin ce communiqué de l’UDB. Que s’est-il-dit exactement ? Y avait-il des témoins ? Quoi qu’il en soit, dans ce genre d’accrochage verbal, l’attitude de l’homme est désormais souvent qualifiée de « viriliste » et celle de la femme forcément « hystérique ».