Madeleine Marzin, une vie de combat

Il est des personnages qui marquent l’histoire et qui fascinent ceux qui les ont croisés. « Madeleine Marzin, bretonne, résistante, élue communiste de Paris », est de ceux là. Le titre de l’ouvrage d’Alain Prigent retrace en quelques mots le destin d’une femme, dont le parcours rend hommage à toutes celles qui ont pris part aux combats illustres du vingtième siècle, à travers la Résistance et le mouvement ouvrier

C’est le frère de Madeleine, Gustave, ancien déporté, qui, dans les années 1980, a parlé de sa sœur à Alain Prigent, alors professeur d’histoire-géographie à Lannion. Quelques années plus tard, à l’occasion du premier numéro de l’Institut de recherche sur la Résistance dans les Côtes-d’Armor, consacré aux femmes résistantes, ils échangent quelques lettres. Mais, c’est surtout la découverte de liasses de correspondances entre Madeleine Marzin et le couple formé par Renée et l’auteur Louis Guilloux, dans le fond d’archives de l’écrivain, qui a convaincu définitivement Alain Prigent de consacrer un ouvrage à l’ancienne institutrice trégorroise. «  La famille reste en quelque sorte sous le choc de son parcours, j’ai noué une relation particulière avec elle, notamment le neveu de Madeleine, qui m’a confié des photographies », raconte Alain Prigent.

Il débute alors un travail de recherche de sept ans sur les traces de Madeleine Marzin, à travers ces lettres, et d’autres fonds d’archives, comme ceux du PCF, au siège, place du Colonel-Fabien, mais aussi les documents issus de la préfecture de Police ou les articles de presse.

Le Trégor, terre de luttes et d’émancipation

Alain Prigent y découvre la trajectoire singulière de la jeune femme, née en 1908 à Loudéac, dans une famille qui comptera six enfants. Deux seront également résistants : Pierre Francis et Gustave, qui font chacun l’objet d’un chapitre dans l’ouvrage d’Alain Prigent. Leur sœur, élève douée, se destine avant-guerre à une carrière d’institutrice. Elle est reçue à l’école normale de Saint-Brieuc en 1926. Se noue là bas une profonde amitié avec l’une de ses formatrices, Renée Guilloux, professeure de Lettres et épouse de l’écrivain. Comme l’ensemble de sa promotion, Madeleine Marzin est profondément marquée par cette « rencontre ».

En effet, la jeune normalienne est rebutée par l’enseignement traditionnel dispensé par l’école en particulier les discours patriotiques et nationalistes qui prospèrent au lendemain de la Première Guerre mondiale. « Elle a une véritable prise de conscience et s’approprie les débats en cours dans la profession. Renée, originaire du Sud-Ouest dénote par son enseignement novateur. Madeleine est éblouie ». L’institutrice, nommée pour son premier poste dans le Trégor en 1929, est alors proche de la CGT-U.

Elle parle breton avec ses élèves

En phase avec les mouvements pédagogiques innovants qui aboutiront plus tard avec Célestin Freinet, elle parle breton avec ses élèves, langue qui lui a été transmise dans la sphère familiale. Elle fait classe dehors, et se fait vivement critiquer par ses collègues conservatrices. Sa correspondance avec Renée et Louis Guilloux explore ces interrogations lorsqu’elle est confrontée à l ‘immobilisme de l’école.

L’exil parisien

« Même si son rapport avec la Bretagne est profond, son choix de la quitter est personnel et participe à son cheminement politique », explique Alain Prigent. Elle adhère au Parti communiste en 1932 ainsi qu’à « l’association des Bretons émancipés de Paris », fondée par Marcel Cachin. Elle se syndique au syndicat unitaire de l’enseignement de la Seine, dont elle devient bientôt l’une des chevilles ouvrières.

Sa santé fragile et ses séjours récurrents en sanatorium entrecoupent sa carrière d’institutrice au Plessis-Robinson. Elle y reste en poste jusqu’à son arrestation, en 1942. Elle revient régulièrement visiter sa famille à Lannion et à Plouaret où sa mère réside, inquiétant à ces occasions le préfet des Côtes-du-Nord qui dénonce au ministère de l’intérieur son « activité communiste ».

L’entrée en Résistance

Madeleine Marzin à l’instar de nombres de ces collègues est chargée d’organiser la mise à l’abri des écoliers parisiens en Creuse au début de la Seconde Guerre mondiale. Elle participe à la création du Front national universitaire et encourage le renforcement de l’Organisation Secrète (OS) puis des Francs tireurs partisans (FTP) au cours de l’année 1941.

Mais, c’est en 1942 que sa vie bascule définitivement. Elle est chargée d’organiser, le 31 mai 1942, une manifestation afin de dénoncer les restrictions imposées par l’occupant dans le magasin d’alimentation « Eco »à l’angle de la rue de Seine et de la rue de Buci. Au cours de l‘événement, deux policiers sont tués. Elle est rapidement arrêtée, en même temps que de nombreux résistants. Alain Prigent souligne qu’au tribunal, lors du procès de l’affaire «elle prend sur elle toute la responsabilité de l’opération ». Le jugement est sévère. Trois participants seront guillotinés, comme des prisonniers de droit communs.

Condamnée à mort

Madeleine Marzin, elle, est condamnée à mort. Son avocat obtient la grâce du chef de l’État français, Philippe Pétain. C’est lors de son transfert vers la prison de Rennes qu’elle parvient à s’évader de manière rocambolesque. Sa survie était en jeu. En effet, elle risquait d’être exécutée en Allemagne.

Ce sont les circonstances qui entourent les événements de la rue de Buci, puis sa fuite qui susciteront la méfiance des instances du Parti communiste clandestin vis à vis de la militante. Elle vit cette période de clandestinité très douloureusement. « Elle a du mal à vivre la solitude de la clandestinité, qu’elle subira plus durement que l’attente de son exécution dans le cachot ». Elle est mise hors de cause après 17 mois difficiles, et le parti lui confie la responsabilité de l’Union des Femmes françaises, dans l’Est.

Élue de Paris

A la libération, de retour de Nancy, elle s’insère dans les organisations de femmes, et notamment dans l’union des femmes françaises, l’une des plus importantes de l’époque. Ces regroupements « en non mixité » qui feraient encore grincer quelques dents aujourd’hui, « sèment un véritable vent de panique parmi les esprits conservateurs : voir des femmes, âgées d’une vingtaine d’années s’organiser elles-mêmes, pour faire face au baby-boom, régler la question des salaires, des crèches, cela fait peur à de nombreux dirigeants ». Madeleine Marzin s’investit fortement dans ces débats, et poursuit cet engagement dans ses mandats, comme conseillère de Paris, puis, comme députée. Elle sera la première femme présidente de groupe au Conseil de Paris, en 1965.

                                                                                                                                            

Madeleine Marzin, bretonne, résistante et élue communiste de Paris, d’Alain Prigent, aux éditions Manifeste ! 23 €.

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