Quand l’extrême et l’ultra droite françaises s’invitent à Callac

Depuis le printemps 2022, la petite commune de Callac, en centre Bretagne, est en proie à une vive polémique concernant l’accueil de réfugiés. Deux manifestations ont été organisées par l’extrême droite, avec la venue de personnalités ou de mouvements plutôt… extrêmes. Petit trombinoscope de radicaux pas vraiment locaux.

Sans revenir en détail sur la polémique engendrée par deux projets d’accueil de réfugiés à Callac (lire le Poher), il règne désormais un drôle de climat dans cette petite commune centre bretonne, plutôt réputée pour ses épagneuls ou ses chevaux de traits. Depuis plusieurs mois, en effet, le maire (divers gauche) et certains de ses adjoints sont menacés et font l’objet d’une protection policière. Une adjointe a même porté plainte contre un site d’extrême droite, Riposte laïque. Quotidiennement, les personnels de la mairie reçoivent des messages d’insultes.

Deux manifestations (le 17 septembre et le 5 novembre) ont également été organisées à l’appel de plusieurs mouvements d’extrême droite, voire d’ultra droite. Des rassemblements où l’on a pu voir des personnalités et des groupes auxquels on était peu habitués dans cet ancien fief communiste, toujours très marqué par le souvenir de la résistance au nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un néo-nazi qui n’aime pas les éoliennes

Cliché récupéré sur le site « Balance ton antisémite »

Plusieurs observateurs sur les réseaux sociaux ont remarqué la présence, lors de la première manifestation, le 17 septembre, à Callac, d’un militant néonazi, Dorian N. On l’aperçoit sur plusieurs photos de presse. Il ne semble pas être revenu lors de la manifestation du 5 novembre. Il est vrai qu’entretemps l’individu a eu une actualité chargée.

Le 23 septembre, il a été condamné à 6 mois de prison avec sursis pour publication de messages antisémites.

De même, le 10 novembre, il comparaissait devant le tribunal de Saint-Brieuc pour des tags neonazis sur… des éoliennes à Saint-Caradec, en centre Bretagne. On lira avec intérêt le compte-rendu du procès dans le Télégramme.

Selon le journaliste du Télégramme, à la présidente qui lui demande pourquoi il fait autant référence à Hitler, il répond par cette curieuse défense : « C’est le premier à avoir fait passer des lois de protection de l’environnement. » Les croix gammées qu’il a taguées ? « des symboles solaires »… Bref, ce curieux militant écologiste est aussi fiché S et aurait appartenu au groupe « Famille Galican ». Selon le site « Balance ton antisémite », le jeune homme de 31 ans aurait également fait partie du service d’ordre de Reconquête lors de la présidentielle 2022, notamment lors des meetings zemouriens en Bretagne.

Reconquête à la manœuvre

C’est le mouvement Reconquête, lancé par Eric Zeymour, qui a été en pointe dans les manifestations de Callac, assurant la logistique et déposant la demande de manifestation du 17 septembre ou organisant un dîner-débat à la Chapelle-Neuve, le 19 octobre. Reconquête s’appuie notamment sur une association créée pour l’occasion, « les amis de Callac », dans laquelle l’une de ses membres occupe une place prépondérante, Catherine Blein. Cette dernière est une ancienne conseillère régionale du Rassemblement national, avant d’en être exclue en 2017 pour des propos homophobes et racistes… Comme le rapportait France Bleu.

Catherine Blein lors de la manifestation de Callac du 17 septembre.

Elle a également été condamnée, en avril 2021, pour apologie du terrorisme suite à l’attentat meurtrier de Christchurch en Nouvelle-Zélande (51 morts en 2019). Elle avait, à cette occasion, twetté ce message tout en nuance : « Tuerie en New Zeeland: Œil pour Œil… » Ce qui lui avait valu une amende de 1.500 euros et trois ans d’inéligibilité. En première instance, elle avait écopé d’une peine d’un an de prison avec sursis… Comme le rapporte à nouveau France Bleu.

Une personnalité qu’on qualifiera de légèrement clivante… et qui ne fait pas l’unanimité. Une scission a eu lieu quelques mois dans l’association des amis de Callac, avec la création d’un nouveau comité, dont le président Michel Riou, rappelle à l’envie la condamnation de Catherine Blein. Idem pour la candidate Reconquête aux législatives à Guingamp, Edwige Vinceleux, qui a pris ses distances sur les réseaux sociaux avec Catherine Blein et soutient les dissidents… Comme le rapporte Le Poher.

Riposte Laïque

A Callac, dans les mouvements appelant à manifester contre le projet Horizon d’accueil de réfugiés, on retrouve aussi Riposte laïque, dont l’existence tourne essentiellement autour du site éponyme. Son « animateur », Pierre Cassen était l’un des principaux animateurs des deux manifestations callacoises. Sur sa fiche wikipedia, on peut lire qu’il a milité au PCF puis à la LCR, ainsi qu’à la CGT. Il a, depuis, clairement viré à l’extrême droite, se faisant connaître pour les « apéros saucissons-pinard » à la Goutte d’or à Paris en 2010. Sans grand succès…

A Callac, le 5 novembre 2022, au centre, le général Coustou prend la parole devant Pierre Cassen, à droite.

En 2022, il a soutenu Eric Zemmour. On lui doit également quelques ouvrages, tout en nuances, comme Et la gauche devient la putain de l’Islam, en 2018.

Son site, Riposte laïque, se consacre, toujours selon Wikipedia, à une « islamophobie revendiquée ». Il a été poursuivi à plusieurs reprises. En 2012, Pierre Cassen a ainsi été condamné à 4.000 euros d’amende pour incitation à la haine envers les musulmans, peine confirmée en appel…

Résistance républicaine

Dans cette étonnante galaxie qui s’est invitée cet automne à Callac, on trouve aussi Christine Tasin, une ex-chevènementiste qui se revendique ouvertement « islamophobe ».

Elle est directrice de la publication du site Résistance républicaine. Assez curieusement, le bandeau de ce site met en avant Jeanne d’Arc et Charles Martel, des personnages assez peu connus pour leurs opinions républicaines…Cependant, le soucs de rigueur historique et de distanciation n’est pas le but de ce site. Christine Tasin a également été poursuivie à plusieurs reprises pour ses propos islamophobes.

Le Parti de la France

A Callac, on retrouvait aussi quelques militants du Parti de la France, un mouvement fondé, en 2009, par l’ancien dirigeant du Front National, Carl Lang. Depuis le départ de ce dernier, en 2019, le mouvement ne faisait guère parler de lui. En 2022, le Parti pour la France avait apporté son soutien à Eric Zemmour. Son secrétaire général, Bruno Hirout, avait d’ailleurs qualifié la candidature du polémiste à la présidentielle de « divine surprise ». Une allusion, sans doute, à l’expression de Charles Maurras lorsque le maréchal Pétain avait pris les pleins pouvoirs en 1940.

A noter que ce même Bruno Hirout semble apprécier les références historiques. En 2014, il avait déclenché une polémique en posant devant une bonbonne de gaz sur laquelle était inscrit Zyklon B, le gaz utilisé par les nazis dans les chambres à gaz… A Ouest-France, ce Caennais avait expliqué qu’il s’agissait d’une « blague potache »…

A Callac, le 5 novembre 2022.

Qui sont ces « frères » ?

Toujours à Callac, dans le style gros bras et bombers, on reconnaissait les militants des « Frères dissidents » et leur leader, Charbel. Un groupe qui n’a pas trop fait parler de lui jusqu’à présent et dont le nom semble une subtile allusion aux « frères musulmans »…

Des frères dissidents à Callac le 5 novembre…

Honnêtement, ce mouvement ne semble, pour l’instant, n’avoir qu’une existence très numérique et peu velléitaire. Contrairement aux sites Internet pré cités, il s’affirme être un collectif de « citoyens libres, pacifiques et déterminés ». Ce qui ne l’empêche pas d’être assez peu au courant des réalités locales et bretonnes. Dans une vidéo, le porte-parole s’en prend à une pancarte mise en avant lors du rassemblement anti-fasciste mentionnant : « Réfugiés, ne nous laissez pas seuls avec les Français… » Charbel y a cru décerner une horrible pensée des élus mélenchonistes. Ce qui fait pouffer de rire un militant indépendantiste breton : « Ben, non, on a mis ce panneau pour embêter les parlementaires LFI qui sont venus parler au rassemblement contre l’extrême droite. On a voulu les mettre devant leurs contradictions, vu que ce sont des gros nationalistes français et qu’ils sont contre les langues régionales. »

De curieux Angevins

Si la manifestation du 17 septembre s’est déroulée dans un climat déjà tendu, celle du 5 novembre semblait manifestement beaucoup plus radicale. Dans les actes comme dans les discours. Au début du rassemblement du 5 novembre, on a ainsi vu de jeunes militants d’ultra-droite faire flamber un fumigène, visiblement très excités par les slogans « on est chez nous ». Deux d’entre eux ont brandi une banderole « European Brotherhood » agrémentée d’une croix celtique. Il s’agit clairement d’un symbole suprématiste blanc, légalement répréhensible.

A notre confrère du Télégramme, Didier Déniel, qui leur demandait qui ils étaient, les jeunes encagoulés ont répondu « On est les jeunesses angevines ». Un mouvement qui n’a aucune existence légale, mais qui renvoie au groupe Alvarium, dissous en 2021 par le gouvernement. Ce qui n’est pas rien… Le fondateur du groupe a nié toute participation à la manifestation de Callac, de peur, sans doute, de rentrer sous la menace de reconstitution de ligue dissoute…

C’est sans doute dans cette mouvance que l’on doit rechercher des militants plutôt mécontents, en fin de la manifestation du 5 novembre, que la presse fasse son travail et prenne des photos dans un espace public…

Des militants d’ultra droite pas vraiment portés sur le dialogue en fin de manifestation le 5 novembre.

Et des Vendéens…

Enfin, le 5 novembre, on remarquait de nombreux drapeaux vendéens dans la manifestation, avec quelques individus venus… en costume de l’époque des guerres de Vendée et de la contre-insurrection contre la République, une mémoire toujours à vif dans ce département en raison du souvenir de la répression du gouvernement républicain…

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5 réponses

  1. Breizh-Izel dit :

    Erwan, tu n’as aucune personnalité. Aucune indépendance d’esprit. En tant qu’indépendantiste breton, tu penses vraiment que cet afflux de «  »réfugiés » » d’une culture aux antipodes de la nôtre est une bonne chose pour Callac ? Ah et puis ils vont apprendre le breton tous ces cadeaux ! Mieux que les Callacois !
    Tu es un mec intelligent mais tu n’oses pas aller contre ton milieu culturello-social. Contre tes potes. Et te voilà réduit à jouer à fafwatch ou je ne sais quel site d’antifas merdeux qui « mènent l’enquête » à coup de copier-coller facebook sur le camp d’en face. Pathétique. Fais-toi greffer des couilles comme toute cette extrême-gauche bretonne passée de l’ouvriérisme au gauchisme le plus woke.
    Être indépendantiste breton et passer d’une manif CONTRE la colonisation du littoral par les parigots à une manif POUR la colonisation du Centre-Bretagne par les immigrés, je trouve ça très fort. M’étonne pas que tout cela fait 1% à chaque élection, encore une fois, c’est pathétique.

  2. alaux dit :

    d’ou tenez vous les informations des FRERES DISSIDENTS?

  3. Bro Dreger dit :

    Etrangement dans votre article, pas une référence aux groupes d’antifas qui ont tenté un assaut « pacifique et humaniste » contre la manif nationaliste du 5 Novembre. Merci aux FDO présentes qui ont évité le pire.

  4. toustous dit :

    Très bon article, est ce que vous comptez vous mettre aux flux RSS ? j’aimerai bien pouvoir vous suivre régulièrement

  5. Perig Evoreg dit :

    Moi, je suis progressiste… Je pense qu’accueillir des immigrés sur un territoire, ce n’est pas un problème…
    Les gamins permettent de sauver l’école, les parents peuvent s’impliquer dans le bœuf bourguignon annuel et les ados peuvent peut-être remonter le club de 2 divisions…
    Bien sûr, vous avez une alternative 🙂

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