Enquête : à Carnoët, des saints qui rendent fous…
A Carnoët, en centre Bretagne, la Vallée des Saints attire des milliers de visiteurs chaque année et ambitionne d’installer mille statues sur un site naturel et historique exceptionnel. Mais, derrière la carte postale, le projet suscite aussi des réticences, des ambitions et des convoitises avec l’afflux de dons et de touristes. Ces dernières années, l’association a d’ailleurs été l’objet de déchirements et de luttes de pouvoir sur fond de complots présumés… Retour sur un feuilleton politico-touristico-religieux aux multiples rebondissements…
1- Une idée lumineuse
Dans les années 2000, trois Léonards, Philippe Abjean, Philippe Hajas et Sébastien Minguy développent un projet fou: sculpter mille statues en hommage à la multitude des saints qui ont forgé la géographie bretonne. Professeur de philosophie et catholique revendiqué, Philippe Abjean patronne les choses. Il est déjà l’une des chevilles ouvrières de la recréation du Tro Breizh, un pèlerinage itinérant entre les sanctuaires des sept saints fondateurs de la Bretagne, un peu réinventé par les folkloristes du XIXe siècle. La « renaissance » du Tro Breizh est un incontestable succès populaire. Des itinéraires s’établissent à l’année pour les passionnés, à l’image des chemins de Compostelle. Chaque mois d’août, des centaines de personnes participent à l’étape officielle, avec des motivations diverses, du catho traditionaliste au randonneur confirmé.
À l’origine, Philippe Abjean avait d’abord pensé installer des statues de saints tout au long des chemins du Tro Breizh. Rapidement, l’idée de les regrouper dans un seul lieu s’est cependant imposée, de nombreuses communes, notamment à gauche, étant plutôt réticentes à l’idée de recevoir ce genre d’œuvre sur leur territoire…
L’hommage aux saints bretons n’était pas dénué de sens. Ces personnages, plus ou moins reconnus par Rome, ont façonné le territoire breton. On les retrouve dans une majorité de noms de communes. Ainsi, Ploumagoar est le « plou », la paroisse de saint Magoire, tandis que Landeleau est le « lan », le monastère de saint Thélo. Différents ouvrages, édités depuis le XVIIe siècle, sur les vies des saints bretons, ont été de réels succès d’édition. De plus, ces saints auraient des pouvoirs magiques et guériraient d’une multitude maux, ce qui a beaucoup contribué à leur ancrage populaire… Bref, même si le poids du catholiscisme est en déclin aujourd’hui, les vieux saints continuent de peupler l’imaginaire breton.
Leur culte en Bretagne est d’ailleurs un cas assez exceptionnel en Europe. Ils sont honorés dans des troménies et dans un nombre invraisemblable de chapelles et d’églises, dans des pardons ou des fontaines sacrées… Même si la réalité historique de beaucoup est sujette à caution. Quant à leur nombre…, « il n’y a que 300 à 500 saints, à tout casser, ce qui est déjà beaucoup », assure Frédéric Morvan, agrégé d’histoire, médiéviste et ancien chercheur au CNRS.
2- Une vallée sur un mamelon
« Philippe Abjean a eu une idée de génie, qui a parlé à l’âme bretonne », reconnaît volontiers Christian Troadec. Le maire de Carhaix est aussi historien de formation. Quand il entend que Philippe Abjean cherche un lieu pour, désormais, concentrer les statues de mille saints, l’édile sent le potentiel et espère faire venir le projet dans la capitale du Poher, dans la Vallée de l’Hyères. Cependant, d’autres sites sont en concurrence… Philippe Abjean visite le site de Tossen Sant-Weltaz, à Carnoët et tombe sous le charme du lieu : un panorama à couper le souffle, un site historique étonnant, avec les vestiges d’une motte féodale, de vastes espaces… Le vice-président de l’association, Élie Guéguen, alors secrétaire général de la région Bretagne, proche de Jean-Yves Le Drian et originaire de Carnoët, n’est pas non plus insensible à la beauté du lieu, néanmoins éloigné des grands axes touristiques et routiers. Malgré les atouts carhaisiens, c’est donc la colline de Carnoët qui est choisie pour accueillir cette Vallée des Saints qui promet de valoriser l’histoire et la mémoire bretonne…
Les dirigeants de la Vallée des Saints communiquent à la presse leur choix et en informent les administrations concernées, dont le service régional de l’archéologie ; où l’on est plus dubitatif. « J’ai alors pensé, et je leur ai dit, que c’était le plus mauvais site possible pour leur projet en termes de vestiges archéologiques », se souvient Jean-Yves Tinevez, à l’époque conservateur en charge des Côtes-d’Armor.
3- Drôle d’histoire
En effet, pour l’installation des premières sculptures des sept saints fondateurs, il est procédé à des d’excavations dans le périmètre protégé de la motte, un espace où se trouvent des vestiges archéologiques qui ont donc été irrémédiablement détruits. Ce qui est quand même surprenant quand on prétend promouvoir l’histoire du territoire… De même, jusqu’à aujourd’hui, aucun panneau explicatif n’a été installé pour expliquer l’importance du site à l’époque médiévale. Il faudra attendre 2019 pour voir enfin des aménagements sur la motte afin de la préserver du flot de touristes qui la dégradait année après année.
Il est vrai que le projet prévoyait l’instauration d’un conseil scientifique. Ce dernier ne se sera réuni qu’une fois, en 2012. Il n’aurait pourtant pas été inutile afin de crédibiliser la démarche. Plusieurs historiens s’amusent aujourd’hui des nouveaux saints « inventés » à Carnoët, comme Keo à Scrignac ou Meneg, une statue financée par un industriel de l’agroalimentaire d’après le lieu-dit où il réside…
D’aucuns précisent qu’on ne sait, de toute façon, pas grand-chose de ces pieux personnages ayant vécu il y a un millénaire et demi et dont les « vies » ont été réinventées dans les siècles qui ont suivi. L’Église reconnaît cependant, d’une certaine manière leur sainteté, à l’aune de la dévotion populaire, la plupart du temps réelle, qui leur est accordée.
D’une manière générale, chez les universitaires et les spécialistes de l’hagiographie bretonne, quand on évoque la Vallée des Saints, on sourit gentiment et l’on sent parfois une certaine gêne. L’un des spécialistes du haut Moyen Âge breton résume: « Ce n’est pas trop sérieux au niveau historique et esthétique, mais après, si cela plaît… À l’université, on aime bien déconstruire, mais qui cela intéresse-t-il ? » Dans une tribune au vitriol, le critique d’art, Jean-Marc Huitorel, avait étrillé le projet dans Libération en août 2018. Sans grand écho.
4- Une histoire de sous ?
Le Breton, et particulièrement le centre Breton, est pudique, surtout lorsque l’on parle d’argent. Territoire marginalisé par la départementalisation après la Révolution, éloigné des zones industrielles, souffrant d’un effondrement démographique depuis un siècle, le kreiz Breizh sait qu’il doit compter avant tout sur lui-même et que les opportunités ne sont pas légion. Aussi, la création de la Vallée des Saints a-t-elle été vécue comme une bouffée d’oxygène. De fait, la fréquentation est notable, même si l’on peut émettre des doutes sur le discours officiel, annonçant 400.000 visiteurs. En comparaison, Océanopolis, à Brest, fait un demi-million de visiteurs à l’année, avec des parkings et une 2 X 2 voies pour l’accès, ce qui évite quelques bouchons qui auraient été repérés dans le bourg de Carnoët en cas de surfréquentation…
Reste que, dans les années 2010, la Vallée des Saints connaît un incontestable succès. Les dons affluent, de quelques euros à plusieurs milliers. Les grands patrons régionaux veulent avoir leur statue, ainsi que ceux de la diaspora. Le directeur et fondateur de la Vallée des Saints, Sébastien Minguy, se rend régulièrement aux dîners celtiques à Paris, dont le président, Yannick Le Bourdonnec, originaire de Carhaix, est aujourd’hui administrateur du site et chargé de la communication. Ces dîners celtiques sont fréquentés par tout le gratin des Bretons de Paris, dont certains vont aider financièrement le projet.
L’afflux de dons et le succès du projet donnent de nouvelles ambitions aux dirigeants. Pour eux, il est temps de passer au stade supérieur. Une SAS, Terres de Granit, est créée, en 2018, pour gérer l’aspect commercial, tandis que l’association de la Vallée des Saints continue à percevoir des dons permettant une exemption fiscale. Car, en une décennie, la Vallée des Saints a réussi à récolter plusieurs millions d’euros, ce qui n’est pas anodin au regard du fisc (les dons des particuliers peuvent donner lieu à une déduction d’impôt de 66 % du montant versé), mais témoigne de son ancrage populaire.
La direction de Terre de Granit est confiée à Sébastien Minguy dont un quart du temps est censé être consacré à la gestion de l’association de la Vallée des Saints.
5- Crise de croissance
Comme le souligne un nouvel administrateur, « c’est étonnant, en 2018, d’embaucher un directeur, Sébastien Minguy, avec un salaire conséquent et de se lancer dans la construction d’un bâtiment très onéreux, alors que l’association ne disposait que de moins de 20.000 € de réserve. » De fait, grisés par leur succès, les dirigeants de la Vallée des Saints ne s’attendent pas à la crise de croissance qui va suivre.
L’année 2018 commence bizarrement pour la Vallée, lorsque la presse est avertie qu’une statue est tombée durant la nuit du 27 au 28 février, la plus froide de l’hiver, le thermomètre descendant à -17° C. Aux questions de l’hebdomadaire local, Le Poher, l’association avait évoqué une « opération de manutention ». Pieux mensonge ? Toujours est-il que depuis 2009, il n’est plus possible de creuser pour installer les statues en raison du potentiel archéologique et naturel du site. De même, les monuments historiques ont stipulé que les statues ne devaient pas être visibles depuis la chapelle Saint-Gildas qui est classée.
Depuis 2018, les statues sont donc « posées » suivant des coordonnées GPS, fixées à l’avance avec les administrations concernées, ce qui peut poser des questions de sécurité. Coïncidence encore, quelque temps auparavant, en février 2018, Frédéric Morvan, caution universitaire au conseil d’administration, avait été écarté de son poste de secrétaire de l’association, « par une lettre insultante », précise l’intéressé. « Je gênais parce que je posais des questions qui dérangent, comme l’absence de plan d’ensemble avec des statues posées n’importe où, l’absence de lieux d’interprétation et surtout le risque de mélange public-privé avec la création de Terre de Granit. Enfin, je m’inquiétais du niveau d’endettement du projet… »
On ne peut pas dire que la suite lui ait donné tort. Durant l’été 2018, la venue de saint Pyran, une statue créée en Cornouailles britannique, se révèle un fiasco. Les services techniques des municipalités, que devait traverser l’œuvre, râlent encore contre des carences de l’organisation, tandis que la fête finale finira noyée sous des trombes d’eau…
6- Un bien coûteux bâtiment
2018 correspond également à la construction et à l’inauguration du « bâtiment d’accueil ». Ici, les interrogations financières se font plus précises. L’association, dirigée par Philippe Abjean et Élie Guéguen, a abandonné un projet initial de rénovation d’une longère. Il en coûtera 40.000 € de dédit au cabinet d’architecte chargé du projet… Il est donc décidé de construire un nouveau bâtiment, projet abondamment subventionné par les collectivités locales, notamment la région Bretagne. Un élu de Poher communauté, qui a aussi versé une subvention, reconnaît l’avoir votée « parce qu’on nous proposait un centre d’interprétation sur le haut Moyen Âge breton, ce qui ne s’est jamais fait ». Et pour cause…
Le budget du nouveau bâtiment est prévu entre 600.000 et 800.000 €. En cours de route, il est décidé de lui adjoindre un « Bagad café », concept imaginé par Philippe Abjean et Sébastien Minguy (propriétaires de la marque), ce qui implique de nouvelles dépenses, particulièrement en plomberie. Le projet est confié à un architecte, membre de la famille de Sébastien Minguy, Kevin Le Bihan.
À son inauguration, Philippe Abjean peut assurer aux élus : « Cette construction a été réalisée dans de très bonnes conditions financières, sans risque pour l’association. Elle va permettre de dégager des ressources pour les années suivantes et les développements futurs… » Selon nos sources, le bâtiment a, en fait, coûté, près de 1,3 million €. Ce qui correspond à près de 5.000 € du m2. Un peu cher en centre Bretagne, même si les dépassements de coûts dans des bâtiments d’accueil au public sont fréquents, en raison de l’évolution des normes.
7. Ruptures et déficit
En 2018, la réalité commence à rattraper les concepteurs du « projet fou pour l’éternité ». Sébastien Minguy est devenu directeur de la SAS Terre de Granit et demande des avances à l’association, ce qui fait tousser quelques administrateurs. Les résultats de l’entreprise sont en effet en deçà des prévisions. Inquiète des dérives de la trésorerie, en butte à Sébastien Minguy, la trésorière, Marie-Antoinette Le Saint, claque la porte début 2019. La situation ne s’améliore guère durant l’année. À la presse, les dirigeants affirment pourtant que tout va bien ‒ « il n’y a pas de tensions », assure Philippe Abjean au Télégramme, le 6 novembre 2019 ‒, mais en interne la rupture entre Philippe Abjean et Sébastien Minguy semble consommée. Le premier aurait d’ailleurs fort peu goûté une couverture du magazine Breton avec le directeur en gros plan.
Au début de l’année 2020, Philippe Abjean et Élie Guégen, respectivement président-fondateur et vice-président, démissionnent, dénonçant « une cavalerie financière » qui mettrait en péril le projet. Ce à quoi leurs opposants ont beau jeu de répondre que ce sont eux qui ont embauché Sébastien Minguy et qu’ils ont avalisé toutes les décisions… Le président de Terre de Granit, Gilles Guymare, démissionne également le 9 janvier 2020. À ce jour, il n’a toujours pas été remplacé.
8- La Vallée des noirs desseins
Dans son édition du 7 septembre, Le Poher révélait que le déficit de l’association de la Vallée des Saints était de 91.000 € en 2018 et de 139.000 € en 2019. La SAS Terre de Granit, quant à elle, enregistre une perte de 218.000 € sur 22 mois à la fin 2019. « Cette situation inquiétante est le résultat des décisions prises par l’ancienne équipe dirigeante, estimait alors un administrateur. Au vu des chiffres, on comprend d’ailleurs qu’ils aient préféré partir. » « Nous avons été naïfs, reconnaît Philippe Abjean. Sébastien Minguy prenait des décisions et nous lui faisions confiance. »
Ambiance, ambiance… D’autant que pour comprendre le conflit, selon un bon connaisseur du dossier, « il faut aussi prendre en compte l’inimité entre grands patrons bretons qui se sont disputé le contrôle de l’Institut de Locarn voisin et qui soutiennent telle ou telle partie… Alain Glon a soutenu Philippe Abjean, ce qui a mobilisé l’autre camp contre lui. »
Sans compter également les bruits de couloir propagés de part et d’autre, certains évoquant un « complot franc-maçon » pour expliquer la situation, d’autres relevant que Philippe Abjean donnait des interviews à des médias d’extrême droite, comme au quotidien Présent, le 31 juillet 2020. Ou, dans un territoire où l’ostentatoire n’a jamais été bien vu, on fait remarquer que Philippe Abjean se déplace dans sa vieille 307, alors que certains administrateurs se rendent en voitures de sport à Carnoët… Histoire d’alimenter les accusations d’affairisme et de mercantilisme visant l’actuelle direction.
Deux des membres de cette dernière, dont son président, affirment que leurs boîtes mail ont été piratées cet été. Elle envoyait des courriels d’insulte en rapport avec la Vallée des Saints… L’année 2020 a été plutôt animée… En remplacement de Philippe Abjean, Dominique Budet est élue présidente en janvier. « Je ne voulais pas être une présidente de façade, explique-t-elle. Immédiatement après mon élection, on m’a sommé de signer une délégation générale de signature et de pouvoir au directeur. Ce que j’ai refusé. » Elle se retrouve alors dans une tempête d’ego et de jeux de pouvoir auxquels elle n’était pas préparée, au point qu’elle voit sa santé se dégrader. Au bout de quelques semaines, elle quitte son poste, affirmant avoir été « démissionnée ».
Quelques mois plus tard, le nouveau trésorier, alors membre de la chambre régionale des comptes, Yann Simon, quitte également son poste, non sur un désaccord, mais en raison d’une nouvelle affectation professionnelle.
Début mars 2020, les sculpteurs font savoir leur mécontentement et menacent de faire grève si leur travail n’est pas revalorisé… Une grève de sculpteurs ? Décidément, en centre Bretagne on cultive l’originalité…
9- Le conflit dure
La pandémie et le confinement gèlent le conflit et le site, qui ne rouvre que fin mai. Ce ne sera qu’une parenthèse… Une association de défense et de promotion de la Vallée des Saints est créée en mai 2020. Elle intervient avec un huissier pour constater la pose d’une barrière à l’entrée du parking du site. Ce dernier est en effet devenu payant depuis le printemps. « C’est une atteinte au principe de gratuité du site », dénonce alors Philippe Abjean qui publie un premier livre sur le sujet. Ce qui lui permet de multiplier les interviews, où il n’est guère tendre envers la nouvelle équipe dirigeante. Il défend une approche idéaliste et spirituelle du projet contre une approche mercantile qui serait celle de la nouvelle équipe dirigeante. Quelques mois plus tard, il publie Main basse sur la Vallée des Saints, dont le titre ne laisse guère présager d’une volonté d’apaisement… Il y dénonce à nouveau la supposée « mainmise mercantile » de l’actuelle équipe dirigeante et reprend à nouveau la théorie du complot franc-maçon…
D’autant que les esprits s’échauffent. Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2020, les barrières du parking sont endommagées. On relève deux inscriptions : « Le sacré n’est pas le fric » et « Maze 21 : 12 : 13 », une référence au passage de l’Évangile de Saint-Mathieu sur Jésus chassant les marchands du Temple. Une enquête est toujours en cours. Si les graffitis revendicatifs ne sont pas rares en centre Bretagne, un extrait de l’Évangile constitue quand même une première…
Malgré une bonne fréquentation durant l’été 2020, la situation financière ne s’améliore pas. Le Bagad café est ainsi resté fermé, ne générant pas assez de recettes. Étonnant pour un site qui annonce 400.000 visiteurs par an. En septembre 2020, deux des cinq salariées de Terre de Granit sont licenciées. Quant aux dons, ils semblent en chute libre. Le Covid-19 est passé par là, et plusieurs mécènes n’ont pas caché leur désarroi face aux querelles internes qui secouent la Vallée des Saints.
10 – Une AG houleuse
Autant dire que l’assemblée générale de l’association, le 17 octobre 2020, à Bourbriac, s’annonçait tendue entre partisans de Philippe Abjean et la nouvelle direction. La présence du cirque Zavatta, sur le parking de la salle des Forges de Bourbriac, avec ses animaux exotiques en divagation, apportait, d’emblée, une touche quelque peu fellinienne à cette assemblée générale ordinaire de la Vallée des Saints. L’adjectif « ordinaire » apparaissant peut-être décalé, au vu de la virulence des échanges et des attaques personnelles qui ont émaillé cette réunion à laquelle ont assisté plus de 120 personnes, sur les 400 adhérents de l’association. La présence d’une huissière, chargée de valider la procédure, en rajoutait au côté extraordinaire du moment. Mais, malgré plusieurs esclandres, l’équipe actuelle s’est vue confortée dans ses orientations, affichant une grande rigueur dans l’exposé des comptes et remportant largement les votes avec 80 % des voix.
Les dirigeants annonçaient que le mécénat s’était effondré de 75 %. Alors qu’ils dépassaient, en moyenne, plus de 300.000 € depuis 2014, les dons se sont élevés à 75.000 € en 2020. Le Covid en serait l’explication. « Le virus n’explique pas tout, leur a répondu l’ancien vice-président, Élie Guéguen. Il y a une perte de confiance des mécènes par rapport à ce qui s’est passé. »
A la fin de l’année 2020, la Vallée des Saints et sa filiale, la SAS Terre de Granit, présentaient des déficits records (plus de 400.000 € entre les deux structures). Le trésorier de l’époque (il a démissionné au début de l’année 2021), Jean Rohou ne cachait pas la gravité de la situation : « On était proches de la cessation de paiements. On a redressé la situation financière de manière spectaculaire, en revoyant notamment les coûts de la société qui étaient disproportionnés par rapport aux recettes. » Les dirigeants ont obtenu une aide de 45.000 € de la Région. Les recettes du parking ont également permis de dégager de nouveaux revenus. Si le rapport financier a été approuvé à une large majorité, il a donné lieu à un vif échange, dû à l’intervention de l’ancien président de Terre de Granit, Gilles Guimare, mettant en cause le directeur de Terre de Granit, Sébastien Minguy. « Il a tout géré de A à Z et ne nous écoutait pas, sauf quand c’était le désastre. Sa gestion humaine a été une bérézina, notamment lors de la fête des dix ans en 2018. Vous nous présentez l’été comme un record de fréquentation, mais vous arrêtez le Bagad café et vous licenciez deux personnes. Aujourd’hui, 80.000 € par an pour son salaire, c’est un peu cher pour un responsable de parking ! » Une déclaration quelque peu tonitruante qui a amené les dirigeants de l’association à défendre vivement leur directeur. Le renouvellement et la nomination des administrateurs donna ensuite lieu à une nouvelle passe d’armes. S’appuyant sur les statuts élaborés par l’équipe de Philippe Abjean et d’Élie Guéguen, le directoire de l’association a « choisi » les administrateurs et de ne pas renouveler les mandats d’Adrienne Lorenquer et de Yannick Baron, qui hurlèrent (littéralement) au scandale. Après des cris et une certaine confusion, Philippe Abjean a alors annoncé qu’il démissionnait de toutes ses fonctions…
11- Du passé faisons table rase
A l’issue de cette AG « animée », l’équipe dirigeante, favorable au directeur, Sébastien Minguy, semblait donc l’avoir emporté. Depuis, un certain calme semble revenu dans les collines de Carnoët. L’annonce d’un changement des statuts de l’association, qui devrait être entériné en juillet, n’aura provoqué que peu de réactions. Ils prévoient pourtant que les fondateurs ne seront plus membres de droits et que des adhérents pourront être exclus. Interrogés, Philippe Hajas et Philippe Abjean ne relèvent pas le gant et disent avoir tourné la page.
Dans un reportage de France Info, le 22 avril 2021https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/sculpture/patrimoine-la-vallee-des-saints-le-mystere-de-pierres-de-la-bretagne_4382517.amp?s=09#click=https://t.co/BPp4vOEDma, On voit Sébastien Mainguy présenter le site comme s’il en était le seul créateur et d’évoquer les emplois créés, éludant la fermeture du restaurant du site et le licenciement de salariés. Pas un mot sur le rôle des autres fondateurs (dans un beau livre commandé par l’association, Philippe Hajas avait déjà été oublié pour son rôle dans la genèse du projet). L’histoire est écrite par les vainqueurs, même si cela manque singulièrement d’élégance. Quant à Philippe Abjean, il est déjà parti sur d’autres « projets fous », dont une nouvelle vallée en centre Bretagne. On laissera la parole à un habitant de Carnoët : « décidemment, les saints, ça énerve ou ça rend fou » !
Et pendant ce temps-là, nous les visiteurs, restons saisis par la beauté du lieu et par cette présence subtile de la puissance d’évocation de ces statues étonnantes. La poésie est au rendez-vous, le rêve aussi et l’âme y trouve son compte. L’art domine tout. Peu importe qu’on soit croyant ou non. Ces saints ne sont « sanctifiables » que par leur témoignage. Nous y retrouvons notre histoire magnifiée par la géographie du lieu. DE TOUTE BEAUTÉ ! Pourquoi faut-il que les concepteurs soient instrumentalisés par des conflits d’intérêts mercantiles? Ces statues nous rendent notre histoire et notre géographie, corps, cœur et âme.
Un grand merci pour ce reportage très éclairant sur l’histoire de la Vallée. Etant nous-mêmes « grands donateurs », mais n’ayant pas fini de financer « notre » statue, nous sommes très perplexes et avons mis, depuis plusieurs mois, un frein à notre élan. Votre analyse de la situation rejoint la nôtre. Merci. Il est important que la situation soit connue du plus grand nombre, en espérant que les administrateurs actuels reviendront à une gestion moins mercantile de ce site d’exception et reconnaitront au grand jour (et reviendront vers…??.) le projet d’origine et ses trois fondateurs. Vœux pieux? ….
La folie des grandeurs, il n’est pas étonnant d’y trouver des mégalos de l’institut de Locarn!!!
Excellent sujet de polar pour le regretté Jean-François Coatmeur…….
Eau bénite plus gros pognon égale rigolade des athées….
Les 7 saint fondateurs n’ont jamais eu d’excavations, il sont simplement pausé sur le sol, puisque leur sillouette est pyramidal, suite à cela la préfecture a demandé dans un meli mélo étrange d’installer des drains, 5ans après. C’est les démarches auprès de la préfecture et de la DRAC qui on mis 8ans pour commencer à sécurité la motte féodal.
Ce « Sanctusland » du bout du monde m’indigne. Les « vrais » petits saints de nos chapelle auraient tant besoin de notre affection et de la protection que nos ancêtres leur prodiguaient avec humilité.